Homélie pour la solennité de l'Assomption, 15 août 2023

L’évangile de la Visitation, qui vient de résonner à nos oreilles nous parle d’une jeune-femme. Une jeune-femme missionnaire du Christ. La première dans l’histoire de l’humanité, la première missionnaire de la charité pourrait-on dire ! Habitée jusque dans son corps par Jésus qu’elle vient de concevoir de l’Esprit Saint, Marie est lumineuse, éblouissante de lumière et de joie. Et il doit falloir les efforts répétés de la grâce pour limiter en quelque sorte aux yeux des mortels cette lumière qu’elle est devenue en portant en son sein la Lumière du monde, Jésus-Christ, Fils éternel de notre Père des cieux, fait chair en elle. Et Marie irradie cette joie, cette joie christique irrépressible qui l’a prise chez elle.


Cette lumière joyeuse est le premier effet de cet admirabile commercium1 (cet admirable échange). La venue selon la chair du Fils unique de Dieu ne la laisse pas en place pour ainsi dire. C’est une deuxième conséquence de cette maternité virginale qui vient d’être produite en elle. Et c’est pourquoi l’évangéliste écrit que Marie se met en route2. La présence de Jésus la met dans une disposition de servante active, mais pas simplement pour un servir sur place. Non : Marie quitte sa maison et sa famille et se met en route sous l’effet de la grâce, de la joie, de l’élan qui l’habite. Elle part pour un endroit que l’Esprit saint lui a montré, à l’image d’Abraham qui entendit Dieu l’inviter à partir de la terre où il se trouvait.


Plus encore, Luc écrit que Marie se rend avec empressement vers les régions montagneuses. Habitée de Lumière et revêtue de joie, Marie s’empresse. Elle se met à courir. Elle ne remet pas au lendemain le présent qui l’invite à l’annonce de la Bonne Nouvelle ! Marie n’a rien d’une missionnaire hésitante ou incertaine : toute donnée, elle devient toute disponible. La parole de l’ange Gabriel qui l’invitait à n’avoir pas peur l’a comme ennoblie d’une audace toute animée par la joie lumineuse qui l’emporte irrésistiblement vers les montagnes. Marie nous apprend ici que « celui qui aime, court pour servir »3. Marie va porter la Bonne Nouvelle sur une montagne. Elle annonce déjà par son attitude ce qu’enseignera plus tard Jésus : « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison »4.


Cette invitation à courir en toute hâte parle fortement aux moines de Saint Benoît. À plusieurs reprises en effet le saint Patriarche adresse à ses moines cet appel à courir, comme un écho à l’appel que notre Dieu fait entendre. Au terme de la règle qu’il a écrite, Benoît s’adresse en effet à celui qui se hâte vers la perfection de cette vie5 et auquel la parole de Dieu fait entendre un appel à courir tout droit jusqu’à notre Créateur. Marie, elle, ne se porte pas vers son Créateur, car elle le porte en elle selon son humanité. La course qu’elle entreprend correspond pourtant aussi à un appel, un appel à la mission, un appel à transmettre la joie qui l’habite, un appel au don total de soi, sans retour afin de donner Jésus lui-même à tous ceux qui la rencontre. Ainsi Marie s’empresse de venir porter celui qu’elle porte à sa chère cousine qui de son côté porte celui qui annoncera la venue de Jésus. Et cette joie se communique si bien que l’enfant que porte Élisabeth tressaille d’allégresse devant la présence de l’Arche d’Alliance – Marie – qui porte le Messie. Ce tressaillement de joie se transmet alors aussi à Élisabeth qui l’exprime dans les paroles de bienvenue qu’elle adresse à Marie sa cousine. Et voici que Marie, conduite par l’Esprit saint, laisse éclater sa jubilation, comme le fruit merveilleux de cette première mission : « Magnificat anima mea Dominum », s’exclame-t-elle ! Marie nous apprend ainsi que ce qui limite notre joie d’être à Dieu et de l’annoncer par notre vie, vient toujours de la possession que nous voulons garder de nous-même au lieu de nous donner totalement, sans condition et sans retour à Dieu.

Avec cet évangile, il apparaît avec évidence que l’annonce de la venue du Messie est avant tout une annonce joyeuse qui se répand comme une traînée de poudre, mais au combien plus lumineuse.


C’est dans cette même lumière que Marie montée au Ciel avec son âme et son corps, reçoit aujourd’hui la couronne de douze étoiles que lui remet son Fils vrai Dieu et vrai homme. Et puisque la gloire de la Mère rejaillit sur ses enfants, unissons-nous aussi à cette immense joie céleste et adressons lui notre prière : « Très sainte Marie patronne de France, souvenez-vous de cette fille aînée de l’Église et daignez tourner vers Dieu les regards et les cœurs de tous ses enfants. Donnez à notre jeunesse l’audace et l’empressement, à votre suite, de porter à nos contemporains la joie de l’évangile ».


Amen

1 Antienne de la liturgie du 1er janvier.
2 Luc 1, 39.
3 Discours du pape François aux volontaires des JMJ de Lisbonne, le dimanche 6 août 2023.
4 Mt 5, 15.
5 RB ch. LXXIII.

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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