Homélie pour la solennité de Sainte Anne, le 26 juillet 2022

Fêter sainte Anne, c’est fêter une réalité particulière. Cela est évidemment vrai de toute créature puisque chacun d’entre nous est dans la pensée de Dieu depuis toute éternité, et par voie de conséquence chacun est unique au monde. Si les créatures se différencient c’est par les actions de leur vie terrestre, par ce qu’elles transmettent, et aussi par leurs origines. C’est à ces titres et sous ces angles de vue que sainte Anne peut nous parler aujourd’hui, à notre époque, dans notre temps.

Les origines généalogiques d’Anne ne nous sont pas connues. Ce que l’on sait d’elle tient finalement purement et simplement à la grâce de Dieu, au choix de Dieu. C’est par la volonté de Dieu qu’Anne est sortie à la lumière et a été connue pour toutes les générations suivantes. La vie de cette femme et son histoire nous manifestent donc que Dieu est toujours premier lorsqu’il s’agit de construire quelque chose de beau, de vrai, de définitif : Il est l’origine, le point de départ, la vérité sur laquelle s’appuyer. Anne nous montre qu’il y a bien « quelqu’Un » au-dessus de l’homme et que l’homme ne se fait donc pas lui-même ni ne décide de ce qu’il est ou n’est pas. Il reçoit cette réalité de son Créateur qui l’invite à faire fructifier ces dons à la mesure qui est la sienne. Recevoir cette réalité, c’est reconnaître notre place dans le monde, un monde qui nous dépasse dans le temps, dans l’espace, et dans la maîtrise de tout ce qui nous entoure. Recevoir cette réalité de créature, c’est encore se réjouir d’être ce que l’on est, d’apprendre à le découvrir, à l’aimer, d’en témoigner reconnaissance à Dieu. La vie d’Anne est porteuse de cette foi.


Anne nous montre aussi que cette sorte de synergie divino-humaine peut porter un fruit merveilleux qui est autant désiré par celui qui y consent, qu’il est voulu par Dieu qui le permet. Anne nous montre qu’aucune de nos stérilités n’est méconnue de Dieu. Sa vie nous raconte combien nous sommes des créatures libres préparées pour accomplir les œuvres que Dieu a mises en nous par avance1. À travers l’abandon priant qui fut le sien et celui de son époux, ce couple témoigne de l’espérance qui peut habiter ceux qui se recevant de Dieu savent que rien n’arrive sans qu’un mystérieux dessein n’ait déjà « posé un regard » bienveillant dessus.


Nous connaissons tous le fruit béni de cette vie d’Anne et Joachim. Ce fruit reçue dans la contemplation de Dieu, la fidélité aux dons reçus et l’union conjugale naturelle d’un homme et d’une femme. Anne et Joachim se sont adaptés à la situation qui était la leur et à l’époque qui était la leur. Il ne s’agit pas tant d’une soumission que d’une écoute amoureuse des dispositions de Dieu qui travaille même la stérilité de la matière. Ayant pris le temps d’écouter et d’entendre, il leur est devenu possible d’entrer dans le projet divin avec un amour purifié, « droitifié », sans murmure. Ils sont entrés dans le service de Dieu ; ils se sont mis au service de Dieu, librement. Ils ont découverts que la pauvreté du temps des hommes était incomparable à la prodigalité du temps de Dieu. Et l’ayant découvert ils ont aimé vivre dans cet espace qui n’est accessible qu’aux âmes qui apprennent à discerner l’invisible.


Fort de cette vie donnée à chaque instant comme une sorte de martyr donné goutte à goutte, ce couple animé de foi et d’espérance, est devenu détenteur d’une science, d’une connaissance de Dieu, d’une manière de le prier, de l’aborder, de se tenir en sa présence. Une manière de lire les Écritures et d’en discerner des sens cachés dont l’interprétation devient plus claire à la lumière des événements de chaque jour. Et tout cet agir en Dieu, ils ont pu le transmettre au fruit de leur amour : c’est à dire à cette enfant nommée Marie. Toute leur vie a été une école du service de Dieu. Une école où ils ont pu accueillir Marie dont l’âme s’est nourrir de leurs enseignements, de leur foi, de leur espérance, de leur amour de Dieu.


C’est ainsi qu’Anne peut, très heureusement en ce monastère, nous apparaître comme un modèle de vie monastique : silencieuse, discrète, prompte au discernement, détentrice d’une histoire sainte, d’une tradition d’enseignement, d’un héritage à partager, de vertus théologales. Mais aussi fidèle et généreuse, co-servante des dispositions divines qui l’ont rendue prompte à concevoir en elle le fruit béni d’un amour conjugal vécu sous le regard de Dieu, et même dans le regard de Dieu.

Puissions-nous, en ce monastère qu’elle tient sous sa « grâce » propre, vivre aussi de ses dispositions gracieuses.

Amen

1 Règle de saint Benoît.

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

Catégories : Homélies