Homélie pour la nuit de Noël 2021

En cette nuit très sainte, notre Père des Cieux donne sa Parole au monde. Qui s’en émeut encore ? Nous autres chrétiens sommes tellement habitués que peut-être nous risquons de passer à côté, nous aussi. L’écho de cette Parole donnée est réactualisé chaque année en cette nuit tout simplement incroyable. Les tous premiers mots de la liturgie de Noël donne à cette Parole faite chair de nous parler du Père. Nous l’entendions à l’entrée de la messe : « Dominus dixit ad me : « Filius meus est Tu ; ego hodie genui te » (Ps 2,7). « Le Seigneur m’a dit : Tu es mon Fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ». Ici « le Seigneur » désigne notre Père. Ainsi la Parole faite chair qui prononce cette phrase nous parle de notre Père. Ce simple verset récapitule à lui tout seul la longue généalogie mathéenne de Jésus qui a été lue à la messe du 17 décembre en l’ouverture de la semaine préparatoire à Noël, la même généalogie qui a été chantée au terme de l’office des vigiles voici quelques instants. En saint Luc, l’évangéliste relie directement Jésus à Dieu. En effet, si l’on prend le début et la fin de cette généalogie on obtient ceci : « Jésus, lors de ses débuts avait environ trente ans et il était … fils de Dieu ». Immense mystère de l’hérédité ! Notre Père donne au monde en cette nuit son Fils unique, engendré de toute éternité. L’Incréé rentre dans le temps, le Parfait dans l’imparfait, Celui que rien ne saurait contenir revêt une humanité finie. Seuls les pauvres ont su, ont osé croire, osé aller voir.

Aux bergers qu’ils viennent prévenir de la naissance du Sauveur, les anges affirment : « Voici le signe : vous trouverez en nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». À cette instant précis, seuls les anges connaissent la jubilation. Et pour la première fois au monde résonne un cantique nouveau, une parole entonnée par les anges, le chant par excellence de la nativité : « Gloria in excelsis Deo ». Jamais au monde on aura pu réunir en aussi peu de temps une telle quantité de chanteurs ! Le texte parle d’une « troupe céleste innombrable » ! Et quand on sait que chaque ange est à lui tout seul une espèce, il est impossible de deviner vraiment la richesse musicale des harmoniques qui ont orné ce chant. Sans doute les bergers ont-ils pu simplement s’exclamer : « on n’a jamais rien entendu de pareil ! », et pour cause ! Les anges quant à eux ne sont pas restés sur place, aussitôt dit, aussitôt repartis. D’un seul coup d’aile, ils sont remontés au Ciel rejoindre les myriades angéliques et poursuivre dans un canon juste inimaginable les chants et liesses à la gloire de Dieu. À moins peut-être qu’ils n’aient profité de l’occasion pour aller contempler les premiers ce petit bébé, sa Mère et Joseph. Car en présence de l’Enfant, ils savent qu’ils sont aussi en présence de Dieu. Et puisqu’en prenant une nature humaine le Fils éternel n’a pas quitté le sein du Père, alors en contemplant l’Enfant ils contemplent Dieu et peuvent aussi bien chanter la gloire de Dieu « à s’en faire péter les veines du coup », précision quelque peu apocryphe il est vrai, affirmée par le provençale ange Boufaréo des « Santons de Provence ».

C’est avant tout un message de joie qui nous est donc délivré par ces troupes célestes en cette sainte nuit. Il est capital de le rappeler, de nous le rappeler. Cette joie est celle du don à l’humanité toute entière et tous les temps, de Jésus, Fils de Dieu, né du Père avant tous les siècles. Cette joie c’est d’apprendre que ce Jésus nous conduit vers le Père, vers notre Père. Oui, nous avons un Père qui seul peut être appelé ainsi en toute vérité. Cette joie c’est donc d’entendre dans notre cœur, nous aussi cette parole à conjuguer aussi au féminin : « Tu es mon fils ».

Joyeux Noël ; et qu’à l’invitation des anges, votre joie soit complète !

Amen

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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