Homélie pour la solennité de la Toussaint, 1er novembre 2022

« Le temps n’est plus ; c’est l’humanité sauvée qui se découvre aux yeux du prophète de Pathmos. « Vie militante et misérable de cette terre (Job 7, 1), un jour donc tes angoisses auront leur terme ». Notre race longtemps perdue renforcera les chœurs des purs esprits que la révolte de Satan a affaibli jadis ; s’unissant à la reconnaissance des rachetés de l’Agneau, les Anges fidèles s’écrieront avec nous : Action de grâces, honneur, puissance à notre Dieu pour jamais (Ap. 7, 11-14)! »1


Oui, ces lignes de dom Prosper Guéranger nous rappellent que la fête que nous célébrons aujourd’hui nous parle de la vie céleste. Et elles nous en parlent non pas comme un mirage, mais comme une destinée : notre destinée. « [Dieu le Père] nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ. Ainsi l’a voulu sa bonté… »2, écrivait Paul aux Éphésiens.


Jésus, dans l’évangile de ce jour, est venu nous parler du Royaume des Cieux, de la vie céleste. Le discours des béatitudes est le tout premier discours de Jésus dans l’évangile selon saint Matthieu. C’est sa première prise de parole. Il a commencé par cela parce que c’est ce qu’il voulait absolument nous dire avant tout autre chose. Il est venu nous parler du trésor de son cœur doux et humble. Il est d’abord venu nous parler de la vie céleste ! Avez-vous bien entendu ce dont il veut nous parler ? La vie céleste ! Aussi déroule-t-il le bonheur de cette vie-là : règne de Dieu, douceur, consolation, justice, miséricorde, vision de Dieu, filiation divine. Tels sont les thèmes principaux de ces béatitudes que Jésus nous enseigne. À l’exact opposé se situent les promesses du monde : règne de l’homme, violence, désolation, injustice, vengeance, aversion de Dieu, destruction de la famille. Chacun des versets des béatitudes est composé des deux réalités : l’une terrestre et mondaine, l’autre céleste et divine. Jésus n’est pas seulement venu nous dire que notre vie qui commence sur cette terre passera tôt ou tard par ces croix qu’il nous détaille. Il vient aussi nous révéler que rien de tout ce que nous vivons sur cette terre n’est indifférent aux yeux de notre Dieu. Ailleurs il nous dira même que tous nos cheveux sont comptés !3


Mais pourquoi tout cela ? Pourquoi cette prédication de Jésus sur la montagne à ces foules ? Pourquoi cette prédication de Jésus à nous aujourd’hui ? Pourquoi cette fête de la Toussaint finalement ? Pour nous parler, en des termes que nous pouvons comprendre, de ce qui ne se voit pas avec les yeux charnels. Pour nous assurer que notre vie ne s’achève pas avec une mort corporelle même si celle-ci est l’inévitable salaire du péché. Jésus est venu nous affirmer que quelque chose en nous continue au-delà de notre vie terrestre. Et l’Église, dont la médiation sponsale nous oriente, nous offre dans cette fête l’image de cette vie céleste, à travers l’assemblée des saints sans nombre ni profil tant le royaume des Cieux déborde de toutes ces richesses. L’Église qui se soucie du bien de tous ses enfants, nous présente ainsi quelque chose de la joie, de la douceur, de la justice, de la miséricorde du bonheur dont vivent ceux de nos aînés qui ont mené le bon combat4 jusqu’à la fin, choisissant toujours de servir la vérité jusqu’au prix de leur vie parfois, et qui connaissent aujourd’hui un bonheur sans fin. Sans doute en manque-t-il, et c’est pour eux que nous viendrons prier demain, afin que la miséricorde divine s’exerce aussi sur ceux-là et qu’ils soient admis au nombre de ceux que Dieu et son Église nous donnent de célébrer en ce jour.


Que cette fête soit pour nous l’occasion de méditer sur notre vie après la mort, sur notre destinée. Contemplons ces tableaux que Jésus nous livre en ce jour et laissons descendre en nos cœurs un peu de cette vie lumineuse et joyeuse que l’Église nous présente en vérité. Après avoir contemplé l’Ascension du Christ et l’Assomption de la Vierge-Marie, tournons maintenant les yeux de notre âme vers ce Ciel dans lequel notre nom est inscrit, comme aimait à le dire la petite Thérèse en contemplant les étoiles.


Amen

1 Dom Guéranger, Année liturgique, le Temps après la Pentecôte, vol VI.
2 Eph. 1, 4-5.
3 Mt 10, 30.
4 2 Tm 4, 7.

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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