Homélie pour la solennité du Corps et du Sang du Christ, jeudi 8 juin 2023

« C’est à la plus humble des filles d’Adam que nous devons le Pain céleste : il fut façonné par l’Esprit dans ses chastes entrailles », écrit dom Prosper Guéranger en l’introduction des pages qu’il consacre à la Fête-Dieu. À l’époque où il écrit ces lignes, la majorité des fêtes qui tombaient durant l’octave de cette Fête-Dieu devaient être transférées. Cela manifestait combien la solennité du très saint Corps et du très saint Sang de notre Seigneur devait être vénérée et célébrée par dessus tout. Dès lors en effet que l’on perd le sens de la sacrée Hostie, on perd aussi le sens du respect de la créature sortie des Mains très saintes de Dieu et faite à son image et à sa ressemblance. L’expérience nous le montre dramatiquement. Si l’homme ne sait plus respecter Dieu qui l’a créé, lui donner l’attention et la vénération qui lui sont dues, comment pourra-t-il respecter son frère et sa sœur, et poser sur eux un regard juste ?


« Nobis datus, nobis natus, ex intacta Virgine »… Comme je l’évoquais en ouvrant cette homélie, ce Corps très glorieux nous fut donné par la Vierge Immaculée dont il est né. La piété populaire le chante depuis le XVIe siècle dans l’Ave verum. Ce lien entre le Fils et sa Mère est tel que lorsque l’on se trompe sur le Christ on se trompe aussi sur la Vierge, et réciproquement. Les grands concile du premier millénaire nous le font bien voir. C’est donc cette Femme, première des rachetées, qui est la mieux préparée pour nous conduire à son Fils et pour nous apprendre à le regarder, à l’écoute, à lui parler, à le prier, à le contempler : bref à vivre en sa présence humblement. Il est donc utile et juste de venir adorer le Seigneur présent dans l’hostie sainte en y étant accompagnée de sa Mère la Vierge-Marie. Elle a cette grâce insigne de nous le faire voir et aussi de nous laisser regarder. En cette noble et douce compagnie, nous pouvons venir serein vénérer ce Dieu fait chair présent dans cette petite Hostie.


L’humilité et la petitesse dont se revêt notre Dieu ne fait sans doute pas très sérieux aux yeux du monde. Blanche Hostie sans défense ! Ces réalités nous permettent pourtant d’approcher sans crainte ce Dieu dont les manifestations terrifiaient les hébreux dans le désert. Oui, s’il a pris forme humaine, c’est bien pour nous laisser l’approcher sans avoir peur. C’est aussi pour qu’il puisse nous parler, à la fois dans l’évangile avec des paroles humaines, et à la fois au plus intime de notre cœur, lorsque nous venons Lui présenter nos soucis, nos demandes, nos tristesses, nos joies. Bien sûr Jésus se fait hostie pour que nous puissions le recevoir à l’intime de notre cœur. Mais nous sommes ainsi faits que nous ne parvenons pas souvent à conserver la certitude de cette présence, et à préserver le dialogue qu’Il nous propose. Aussi le Seigneur a-t-il voulu être déposé sous nos yeux afin que nous puissions le voir avec les yeux de la foi, dans cette hostie, et que Lui aussi puisse nous regarder, un peu comme deux amis qui ont tant de choses à se dire qu’ils préfèrent rester en silence pour ne pas risquer de perdre une instant en bavardage inutile. De même que la lecture des Écritures saintes produit sur nous un effet de pacification, de purification, d’élan vers Dieu, de même s’exposer à la présence de Jésus-hostie produit en notre âme dans effets similaires. Sans doute, dans l’un et l’autre cas nous ne le ressentons pas toujours, et peut-être même pas souvent, mais cela ne signifie pas qu’il ne se passe rien. Dans la foi nous savons ! Cela, le monde ne peut le croire.


Soyons donc pour notre pauvre monde d’humbles témoins de cette présence de Dieu dans l’eucharistie, dans l’exposition eucharistique ou même dans le tabernacle. Les hommes et les femmes de notre monde qui ne savent plus distinguer leur droite de leur gauche, ont besoin de savoir que dans les églises des chrétiens il se passe quelque chose de merveilleux. Et c’est à nous que Dieu a confié la mission de le montrer. Rassasions-nous de sa présence et Il nous donnera de la refléter pour sa gloire.


Amen

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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