Homélie pour la solennité de l’Épiphanie 2021

Voici quelques jours, nous avons célébré la naissance de Jésus dans une étable de Bethléem, à l’insu du peuple dont il est le Roi annoncé par les prophètes. Aucune autorité ne s’en est seulement rendu compte parmi les chefs de ce peuple.

Il semble que Dieu soit venu se cacher en un lieu secret. Cela ne saurait étonner ceux qui le connaissent bien. Un lieu secret où seuls les cœurs simples et purs ont accès. Pour les autres, c’est compliqué ; ils ne comprennent pas, ils ne voient pas, ils ne sentent pas. Une certaine rationalité les lie à la matière. Il peut pourtant arriver des choses étonnantes chez cette sorte de « rationalistes » !


C’est ainsi que les mages sont arrivés ! En retard, mais ils sont arrivés tout de même ! Ils sont arrivés les derniers, évidemment. Et comme il n’avait pas encore été proclamé que les derniers seraient les premiers, il est à parier que ces hommes à l’esprit calculateur seront toujours ceux qui arriveront les derniers.


L’observation des signes cosmiques est l’affaire de ces savants. Seulement voilà : les scientifiques ont le cerveau lent. À vrai dire cela ne tient pas à leurs prétentions scientifiques. En tous les cas pas pour tous. Cela tient à la lenteur inhérente à la matière humaine qui est créée. La lumière des étoiles est créée elle aussi. Ce n’est pas qu’elle soit « mieux » créée, mais elle va incontestablement bien plus vite que le pauvre cerveau humain, fut-il celui des scientifiques. C’est peut-être pour cela que le cerveau des humains les plus pauvres et les moins scientifiques sont plus rapides à percevoir ce qui ne se comprend pas d’abord, mais au contraire se reçoit dans l’émerveillement. Ainsi, par exemple, les bergers, qui sont arrivés bien avant. Mais Dieu qui est bon et qui sait ce qu’il y a dans l’homme, aime à s’abaisser jusqu’à certains raisonnements humains. C’est ainsi que nos mages ont vu se lever une étoile, ce qui ne semble pas être le fruit d’un calcul ! En effet l’apparition d’une étoile ne peut être prédite, mais seulement constatée. Forts de leurs calculs savants savamment préparés, ils ont alors préparé scientifiquement leur voyage d’explorateurs, et se sont mis en chemin. Et tout à coup la lumière a été interrompue. La science des savants ne pouvait plus les éclairer car la lumière qui ne dépendait pas d’eux leur avait joué un tour et c’était affaiblie jusqu’à ne plus pouvoir retenir leur attention ni alimenter leurs calculs savants. Et après un arrêt forcé à Jérusalem pour demander leur route, la lumière stellaire revient vers eux et sous son rayon lumineux, ils atteignent enfin la Lumière incréée, faite chair. Ils tombent à genoux et adorent.


Ces mages méritent que l’on relève plusieurs de leurs remarquables qualités, qualités dont j’ai peut-être un peu moqué la science. Saluons tout d’abord leur initiative. Ces hommes cherchent, ils sont passionnés par la recherche et l’observation des réalités créées les moins visibles : les réalités célestes. C’est encourageant, car par les temps qui courent chercher plus loin que son nombril n’est pas si fréquent. Tandis qu’ils aperçoivent une chose extraordinaire ils ne doutent pas de ce qu’ils voient : « nous avons vu se lever son étoile » diront-ils, tout naïfs, à Hérode. Là encore, c’est bel exemple de détermination. Ce lever d’étoile les fait conclure à l’apparition sur terre d’un Roi, le roi des juifs. La droiture de ces hommes est belle ! Il n’y a pas d’hésitation dans leur cœur. Preuve en est qu’ils se sont chargés d’offrandes précieuses, sans craindre d’en être dépouillé par quelques hordes de bandits. Ayant perdu leur boussole stellaire, ils continuent de chercher. Et finalement, arrivés devant l’inimaginable palais du Roi des juifs vagissant, et au spectacle ineffable de la Mère et de l’enfant-Dieu dénués de toute cours royale, ils achèvent pourtant l’acte de vénération qu’ils sont venu accomplir et se prosternent. Ils ont trouvé Jésus là où personne ne l’aurait cherché. Ils ont laissé leur science savante s’alimenter d’une intuition qui les a conduits bien plus sûrement que tout leurs calculs, pourtant nécessaires à l’origine.


Par la grâce de Dieu, ils ont eu foi en ce qu’ils ne connaissaient pas encore ; une détermination sans faille a nourri leur espérance de voir l’objet de leur désir ; leur droiture d’âme leur donne enfin le bonheur d’adorer et d’aimer de tout leur être Celui qu’ils cherchaient sans encore le connaître. Et c’est ainsi qu’ils peuvent repartir le cœur plein d’un message qu’ils contribueront à annoncer au monde.

Nous aussi avec eux, par la grâce de Dieu allons annoncer au monde que Dieu a visité son peuple, qu’il est venu le sauver de ses péchés et que ce peuple c’est l’humanité toute entière !

Amen

frère Laurent de Trogoff +, prieur administrateur

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