Homélie pour la messe du jour de Noël, 25 décembre 2019

      Cette nuit, très tôt, une lumière a brillé, une parole est apparue, un enfant nous est né. Après avoir donné existence à toute chose par sa parole, Dieu prend une humanité. Quel Dieu a jamais agi ainsi ? Quelle événement inouï !


      Pour quel motif Dieu a-t-il bien pu agir ainsi ? Lui aurait-il manqué quelque chose ? Si tel était le cas, un tel dieu n’en serait pas un. Dieu n’est pas un être qui manque, mais plutôt un être qui déborde. Et Dieu déborde tellement qu’Il est venu déborder jusque dans notre monde. Mais pourquoi ? Est-ce simplement parce qu’Il ne pourrait se contenir ? Un tel dieu n’en serait pas non plus un. Dieu n’est pas venu chez nous par incapacité, mais parce qu’Il est enamouré de sa créature. En fait, tout cela est simple, simple comme Dieu : Dieu ne connaît pas la demi-mesure. Au fait, il ne connaît pas non plus la mesure.


      Dieu a passé des siècles à se faire deviner, à nous attirer à le rencontrer. Et puis cette nuit, il est sorti de son anonymat, il a pris un visage, il est venu nous visiter. Mais pourquoi ? Parce que Dieu nous a créés pour être avec lui, et comme nous prenons le plus souvent le chemin qui mène ailleurs, Dieu a choisi de se faire le compagnon de cet ailleurs, afin de nous ramener vers lui. Et pour cela, il s’est fait Dieu-avec-nous, Emmanu-El en hébreu. Il faut nous arrêter à cette présence de Dieu parmi nous.


      Nous l’oublions si souvent avec notre rationalisme exacerbé qui nous conduit presque toujours à nous exclamer : pourquoi ? Cessons donc un instant de poser toujours des questions. Silence ! Accueillons l’ineffable, laissons monter doucement la seule réponse qui soit à la hauteur de ce don sans nom, laissons naître doucement en nos cœurs une gratitude pure, une gratitude d’enfant. Accueillons ce sentiment humain si gênant pour un adulte qui voit qu’il n’est pas à la hauteur. Ce sentiment que les adultes ne savent tout simplement plus vivre parce qu’ils cherchent désespéramment à en faire quelque chose. Consentons quelques minutes à recevoir un cœur de pauvre et qu’en ces minutes, le royaume des Cieux soit enfin à nous. Ou plutôt que nous soyons à lui. Aujourd’hui, le Verbe de Dieu vient nous rejoindre jusque-là où personne au monde ne peut nous rejoindre.


      Ah ! Si seulement nous pouvions croiser ce regard de l’Enfant-Jésus nous comprendrions sans doute enfin qu’il n’est venu sur terre que pour vivre nos souffrances avec nous, et faire de nous des êtres de lumière en nous débarrassant de nos péchés. Nos souffrances ont tellement terrorisé notre Seigneur qu’il en a transpiré du sang : qu’attendons-nous de plus ? C’est pour vivre avec nous toute sa compassion qu’il s’est fait chair, car Dieu ne laisse jamais tomber personne, il ne le peut même pas.


      Et justement ce temps de Noël nous est offert chaque année pour nous permettre cette audace de chercher à croiser encore une fois ce regard de la Parole faite chair dans les yeux d’un nouveau-né. Il y a tant d’amour dans ces petits yeux que rien n’y peut résister. Pensez donc ! Ce regard nous parle de ce Dieu qui a créé l’amour d’une mère pour chacun de ses enfants. « L’amour d’une mère », qu’y a-t-il de plus extraordinaire ?

      Oui, arrêtons nous ! Laissons le temps à ce petit-enfant Dieu de nous regarder. Et si cela nous semble trop difficile – car les adultes ne comprennent pas souvent les choses trop simples –, tournons-nous vers Joseph et Marie : dans leur regard se reflète avec une splendeur presque incréée le regard du Nouveau-né venu nous sauver ! Ils sauront bien nous conduire jusqu’à Lui.


Amen.

Fr. Laurent de Trogoff, Prieur administrateur

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