Homélie pour la solennité de la Toussaint 2020

« Alors, ouvrant la bouche, Jésus se mit à instruire ses disciples ». Telle est la finale par laquelle Matthieu nous prépare à écouter les paroles de Jésus.

C’est l’unique fois dans l’évangile selon saint Matthieu, où le verbe grec qui signifie « enseigner » est mentionné. De plus, l’écrivain sacré tient à indiquer que Jésus « ouvre la bouche » pour donner cet enseignement. Jésus étant vrai homme et vrai Dieu, ce qui sort de la bouche de Jésus sort de la bouche de Dieu. Quelques chapitres plus haut, lors de l’épisode de la tentation au désert, Jésus a rappelé au tentateur que « l’homme vit aussi de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Ainsi, nous pouvons affirmer que ces paroles que Jésus prononce sont porteuses de vie. Autrement dit, elles ne sont pas une sorte d’octalogue qui ferait pendant au décalogue. Ces paroles de Jésus sont porteuses de sens, et même d’une direction.

Chacune des formules prononcées par Jésus porte en elle une certaine ambivalence volontaire. Que veut nous enseigner Jésus en nous présentant ces paroles ? Que veut nous enseigner son Épouse, l’Église, en nous proposant aujourd’hui l’enseignement de l’Époux ? Que nous apprend le texte de l’évangile qui vient d’être proclamé ?

Dans chaque béatitude, Jésus met en perspective un état actuel vécu dans notre monde et la promesse d’un état à venir vécu dans le Royaume des Cieux. Jésus le dit parce qu’il le voit vraiment et non point seulement parce qu’il le penserait !Jésus qui est la Sagesse incarnée, énumère et révèle les croix de notre monde, tellement dures et injustes pour certains, puis il les met en perspective avec une vie éternelle dont le bonheur est absolument sans proportion avec quoique ce soit. Il nous montre ainsi que rien de ce que nous pouvons subir ici bas n’est indifférent à notre Dieu, absolument rien. C’est une manière tout à fait merveilleuse d’exprimer l’attention tellement soucieuse, de Dieu à notre égard. Jésus nous parle donc de son Père, le seul Père, le seul vrai Père qui soit depuis toujours, et pour toujours.

L’enseignement que Jésus nous donne ici est un enseignement vécu ! En effet, Jésus ne nous transmet rien qu’il n’ait d’abord entendu dire par son Père. De plus, Jésus sait par expérience que la pauvreté de cœur, les afflictions, la faim, la miséricorde, la recherche de la paix, la persécution, les insultes, sont véritablement autant de situations porteuses de la promesse d’une béatitude céleste éternelle. Telle est en effet, tout simplement si je puis dire, la vie de Jésus, ses épreuves, ses sentiments, ses combats.

Ici encore, comme bien souvent dans l’évangile, Jésus nous fait une nouvelle confidence ! Une confidence sur ce qui l’habite, sur sa vie intérieure ! Parce qu’il est homme et Dieu, il voit dans le combat, le bonheur éternel déjà présent. Plus encore ! Non seulement il le voit, mais il le vit. Et c’est pourquoi il peut en parler en vérité. Et c’est aussi pourquoi l’évangéliste tient absolument à nous dire que c’est un enseignement de Jésus pour nous, aujourd’hui.

En célébrant aujourd’hui tous les saints du monde, nous entendons le seul Saint et bienheureux Jésus-Christ proclamer le bonheur d’aimer jusqu’au bout, quoi qu’il arrive. Ce message, l’Église veut nous le faire entendre aujourd’hui. Providentiellement, ce message résonne à nos oreilles alors que vous entrez frères et sœurs, avec le confinement, dans une période difficile d’un probable jeûne eucharistique pour la deuxième fois. Jésus nous enseigne que la récompense est disproportionnée par rapport au sacrifice, aussi la récompense d’être privé d’accéder à la table eucharistique, pourrait bien être une incroyable vision béatifique !

Mais avant d’en venir à cette ultime considération, il convient de faire valoir auprès de nos gouvernants notre besoin vital de nourriture spirituelle ! Conscients que l’homme ne peut vivre bien longtemps sans se nourrir, nos gouvernants autorisent l’accès à la nourriture du corps. Privés eux-mêmes, pour la très grande majorité, de la connaissance de Dieu et de la communion au Corps du Christ, ils ignorent ce dont ils se privent. Nous ne devons pas les laisser dans l’ignorance de nos besoins vitaux ! Parmi la foultitude des saints que nous célébrons aujourd’hui, beaucoup ont dû donner leur vie parce qu’ils avaient choisi, par grâce, de vivre leur foi totalement. Tout récemment encore certains d’entre nous se sont faits égorger comme des animaux de boucherie 1 parce qu’ils venaient recevoir une nourriture pour l’âme. « Catholiques, vous qui êtes marqués au front du sceau des serviteurs de Dieu 2, faites valoir vos droits auprès de notre gouvernement par tous les moyens légaux qui sont à votre portée ! »

Fidèles dans la prière, demeurons dans la foi : tout y est, rien n’y manque. Et que Dieu nous viennent en aide, et ses saints.

Amen

1 Cf. psaume 44,23.
2 Apocalypse, 7,3.

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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