Homélie pour la solennité de la Toussaint
Abbaye Notre-Dame des Neiges, 1 novembre 2025
Version audio :
Heureux les pauvres de cœur, heureux ceux qui pleurent, heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, heureux ceux qui sont persécutés pour la justice ; heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous. Comme slogan publicitaire pour inviter à la joie parfaite, il faut bien reconnaître que les paroles de Jésus ne risquaient pas trop de faire le buzz ! D’aucun ajoutent à celles-ci une autre béatitude qui n’est pas de Jésus : « Heureux les fêlés, ils laisseront passer la lumière » (Michel Audiard). Et même si l’on ajoute cette béatitude quelque peu apocryphe, tout ça n’est pas immédiatement très enthousiasmant.
C’est pourtant le message que notre Mère l’Église nous adresse en ce jour où nous fêtons le Ciel de Dieu et en particulier ses habitants ! Voilà comment sont décrits les saints. L’Église a choisi les toutes premières paroles publiques de Jésus ! Ce que l’on dit en premier porte une fraîcheur singulière, une nouveauté éblouissante. C’est un message primordial, une sorte de condensé de tout ce qui va être vécu ensuite. À travers ces béatitudes, Jésus découvre sa Bonne Nouvelle.
Quelle audace de la part de Jésus ! Cela paraît une gageure d’expliquer à ceux qui peinent chaque jour, ceux qui ont tout perdu ou presque tout, qu’ils ont bien de la chance ! Car c’est bien ce qui est bouleversant dans cet évangile : oser juxtaposer deux réalités qui, dans une perspective horizontale, sont parfaitement irréconciliables. D’un côté l’accomplissement d’une série d’échecs terrestres, et de l’autre la réalisation absolue d’une plénitude sans borne. Jésus ne pouvait pas ignorer le scandale que sa parole provoquerait. Mais Il n’a jamais dit que la route serait facile. Et sur ce chemin, Il est sans doute le seul à ne nous avoir jamais menti !
Le monde au contraire, nous explique que si nous rencontrons une difficulté, c’est certainement que nous nous sommes trompés quelque part. Les grands de ce monde nous certifient sur leur honneur que toute chose est à notre service en sorte que chacun puisse assouvir toutes ses envies. Mieux encore : le monde nous assure qu’il ôtera de notre conscience tout ce qui pourrait se mettre en travers de nos élans, fussent des réalités naturelles, constatées depuis les origines, comme la paternité et la maternité, ou bien le fait de naître homme ou femme. Pour seul salaire de ses opérations fallacieuses, ce même monde ne nous demande presque rien : juste de nous croire chacun le centre du monde, sans dieu ni loi, sinon celle de notre orgueil.
Jésus met en valeur le renoncement à une satisfaction même légitime en vue d’un bonheur non pas temporel, mais éternel. Jésus béatifie ceux qui aiment par-dessus leur situation parfois dérisoire, désespérée, ou bien toute simple. L’amour : y a-t-il jamais rien eu d’autre d’intéressant ? Telle est bien la clé de cette sainteté que nous célébrons en ce jour merveilleux. C’est aujourd’hui la seule activité des saints, pour l’éternité !
Justement au sujet de cet amour, Paul nous dit qu’il ne passera jamais (1 Corinthiens 13, 8). Avez-vous déjà songé au sens de cette parole ? Cela signifie que tout acte d’amour devient éternel et qu’il ne passe jamais ! Il ne peut passer puisqu’il vient de la charité divine et qu’il traverse en l’entraînant celui qui le pose. Et c’est bien parce qu’ils ont aimé d’un amour surnaturel, d’un sur-amour, que tous les saints qui peuplent les Cieux connaissent le bonheur qui ne passe pas.
Cet amour existe déjà ici bas : l’avons-nous remarqué ? Quel amour de la part d’une maman – ou d’un papa –, qui se lève la nuit non pas une ou deux fois mais trois ou peut-être quatre, pour aller consoler son bébé qui pleure alors qu’elle devra subir toute la journée son manque de repos. Quel amour ! « Bienheureuse es tu », lui dit Jésus ! Quel amour de la part de celui qui se lève dans la nuit de cette vie pour accueillir l’ami importun. Bienheureux est-il ! Quel amour de la part de celui qui renonce à finir son ouvrage pour venir en aide à son prochain. Bienheureux est-il ! Bienheureux celui qui aime, le feu de l’Esprit le consume ! Bienheureux les missionnaires qui annoncent l’évangile, et dont vous êtes peut-être, ou que vous pouvez devenir ! C’est si simple au fond ! Aux jeunes réunis devant lui, le saint pape Jean-Paul II ne leur disait-il pas : si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde !
La sainteté est à notre porte et elle frappe chaque jour et même plusieurs fois par jour. Dieu ne refuse jamais la première grâce de cette audace. Osons lui répondre, et nous la découvrirons qui nous ouvre grand ses bras dès ici bas. Nous serons accompagnés sur ce chemin par tous ces saints du Ciel qui ne rêvent que de nous venir en aide et de nous encourager à aimer, à nous laisser transporter par l’amour du cœur de Jésus ! Leur foule est immense !
« Saint et bienheureux Jésus-Christ, toi qui est notre sainteté, attire nous à toi comme tu as attiré Maire dont tu as pris chair ». Oui, rends notre cœur semblable au Tien !
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