Homélie pour le 27e dimanche ordinaire

Abbaye Notre-Dame des Neiges, 5 octobre 2025

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Nous voulons tous que Dieu s’occupe de nos affaires ! Mais pas seulement. Nous voulons aussi que nos affaires passent en priorité, à date fixe si possible, et avec une réalisation conforme à ce que nous avons demandé, ou au moins s’approchant de ce que nous avons demandé. À cette réalité, qui est à peu près celle dont parle le prophète Habacuc dans la première lecture, Dieu invite à deux attitudes. La droiture d’âme et la foi.

La droiture n’est pas exactement une vertu très disputée de nos jours. Pour le dire autrement, le mensonge – qui est son exact contraire – est une attitude en très forte expansion de nos jours. Si elle était cotée en bourse, elle rapporterait certainement très gros et ses actionnaires s’en réjouiraient. Ce que nous constatons est tout autre. Ceux qui s’en réjouissent ne sont pas les actionnaires, mais les démons. Le mensonge qui a infiltré tous les étages de nos sociétés ne produit que chaos, haine, jalousie, diffamation, et autres spécialités démoniaques en tout genre. La droiture d’âme nous place dans une autre dimension. Tout d’abord, elle nous parle de l’âme et non pas de la chair. Elle nous parle d’une réalité spirituelle qui transcende la matière, et qui peut l’orienter vers le haut. Elle nous dit enfin qu’il est possible de viser loin et surtout de s’appuyer sur une réalité vraiment fiable, c’est à dire sur Dieu. La droiture d’âme nous parle d’espérance et non plus d’espoir. Elle situe la vie une autre altitude, si l’on peut dire. « Même s’Il me tuait j’aurais encore confiance en Lui » écrit Job (Job 13, 2) dans la version latine de saint Jérôme. Job ! Ce personnage tellement impressionnant face à l’acharnement du mal contre lui, l’homme dont la vie parle douloureusement de cette droiture d’âme. « Et quand bien même on m’arracherait la peau, de ma chair je verrai Dieu », déclare-t-il farouchement (Job 19, 26). C’est ainsi que la droiture mène à la foi, une foi forte, fidèle, farouche ! Loin de la honte que dénonce Paul à Timothée, l’invitant plutôt à affirmer sa foi face à un monde paganisé. Comme cela nous rejoint !

C’est justement la demande des disciples à Jésus dans l’évangile : « augmente en nous la foi ». Quelle place à cette demande dans notre prière quotidienne ? C’est curieux comme il est rare que les pénitents s’accusent explicitement de manquer de foi. Ils diront qu’ils manquent de confiance en Dieu, qu’ils ont du mal à croire à l’action de Dieu. Mais rarement ils en viendront à s’accuser d’omettre de demander un accroissement de foi. Derrière cette réalité, il y a cette idée que ma foi m’appartient et que je peux la faire fructifier moi-même. Alors qu’en réalité la foi est un don, un don surnaturel et qu’il nous faut implorer Dieu de la faire grandir par son action et non pas par la nôtre.

La foi n’est pas un salaire. La foi est une feuille de route. C’est peut-être ce que Jésus essaie de nous faire comprendre à travers cette parabole un peu curieuse du travailleur qui revient des champs. Il ne s’arrête finalement jamais. Le salaire il le recevra plus tard, lorsque le temps du service sera passé. Et le temps de ce service ne sera passé que lorsque nous aurons été reçus dans la pleine vision de Dieu, ou au moins dans la certitude de recevoir bientôt cette vision – ce qui est le cas des âmes du purgatoire. Beaucoup de nos demandes ne reçoivent pas de réponse, nous l’expérimentons tous. Elles ne peuvent pas être exhaussées – à notre plus grande déception d’ailleurs – pour la raison très simple que nous demandons à travers elles de ne plus vivre dans la foi, ce qui est impossible. Nous nous trompons de demande ! Ce qu’il faut absolument demander c’est au contraire un accroissement de la foi afin de déraciner enfin ces mauvaises herbes qui, comme le disait le Petit Prince finissent par devenir des baobabs. C’est cela le pouvoir du mensonge. « Un baobab, si l’on s’y prend trop tard, on ne peut jamais plus s’en débarrasser. Il encombre toute la planète. Il la perfore de ses racines. Et si la planète est trop petite, et si les baobabs sont trop nombreux, ils la font éclater ». La foi est le meilleur désherbant ! Et le plus beau, c’est que c’est Dieu qui le fournit. Mais celui de Dieu déracine même les arbres ! Encore faut-il lui demander de le livrer régulièrement et en quantité ! Cette prière-là est toujours exhaussée : c’est Lui-même qui l’a suscitée dans l’évangile !

Alors pourra s’accomplir la demande que nous avons formulée dans la prière d’ouverture : « Tu combles ceux qui t’implorent bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs ». Oui, tel est le salaire de la foi dès ici bas !


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