Homélie pour la fête de la Croix glorieuse

24e dimanche ordinaire

Abbaye Notre-Dame des Neiges, 14 septembre 2025


Version écrite téléchargeable

« O Crux ave, spes unica ».

« Salut ô Croix, unique espérance ».

C’est un curieux mystère chrétien que cette personnification de la Croix. Qui est donc cette personne ainsi saluée comme notre « unique espérance » ? Vous avouerez qu’en cette année jubilaire placée sous le signe de l’espérance, la question mérite d’être posée. Toute personne est un être de relation. Ainsi donc, la Croix nous est présentée de même, comme une réalité qui nous met en relation. Tandis que nous passons une bonne partie de notre vie à éviter, contourner, pulvériser les croix qui nous échoient, nous apprenons aujourd’hui que toutes ces croix forment une seule et même Croix qui est notre unique sujet d’espérance, et que cette espérance agit comme une personne qui introduit dans une réalité salvifique. Faudrait-il donc alors accueillir nos croix et nous réjouir de leur présence dans nos vies ? Si cette personne qu’est la Croix nous permet d’atteindre le but de notre vie de manière assurée, il faut certainement réfléchir à cette question.

Je vous propose dans un premier temps une petite histoire qui permet de comprendre quelque chose. Un pèlerin part à la recherche du pays de la Vie. Mais il est chargé d’une croix ; il chemine ainsi, traînant tant bien que mal son fardeau. Il se plaint quand les étapes sont longues et ardues. Petit à petit, une idée lui vient à l’esprit. Plus courte, cette croix sera moins lourde. Prenant une scie, il se met à couper un bon morceau de sa croix. Les années passent et, un jour, notre pèlerin se trouve presque parvenu à destination. Enfin, devant lui, c’est le Pays de la Vie. Demain, il y sera enfin reçu et pleinement récompensé de ses longs et pénibles efforts ! Un dernier obstacle reste à franchir. C’est une rivière. Elle n’est pas très large. C’est alors que la croix lui révèle toute son utilité. Il lui faut seulement la jeter d’une berge à l’autre et s’en servir comme un pont pour passer dessus. Hélas ! Sa croix, plus légère, est devenue trop courte. Il doit rester là, regrettant sa folie, pleurant sur sa misère.

Cette petite histoire parle d’elle-même je crois…

Mais tout de même : pourquoi une croix ? Pourquoi pas quelque chose d’autre ? Quel que soit l’objet que vous pourriez trouver, quelque soit le nom que vous lui donnerez, c’est cette réalité-là qui vous permettra le passage. La raison en est que c’est le seul moyen pour parvenir de l’Autre côté. Si un autre moyen avait existé pour relier notre rive à celle d’en face, pensez-vous que Dieu ne l’aurait pas préféré ? La particularité de ce moyen est que Jésus l’a sanctifié. S’il a choisi la croix c’est parce que c’est une réalité qui, depuis le péché originel, frappe absolument toute vie. Il n’existe personne au monde qui ne connaisse pas de croix, d’obstacle, de drame, de contrariété. Que ce soit avant ou après le Christ, tous les hommes en font l’expérience. Dieu voulait pouvoir rejoindre chacun de nous et le seul moyen qui s’offrait à lui était la Croix, nos croix. C’est pourquoi la Croix est devenu la porte de l’espérance, la porte du salut éternel. Cette croix est ce que Jésus avait de plus précieux à porter en ce monde, afin de nous sauver de la mort éternelle. Notre croix est peut-être ce que nous avons de plus précieux à apporter au monde, ce que nous avons de plus personnel à porter dans ce monde. Elle est notre propre participation au salut éternel que Jésus nous a obtenu. Voilà pourquoi il convient de bien regarder en face nos croix, en particulier les plus cruelles qui nous adviennent. Nous pouvons alors reconnaître que jamais personne n’aurait dû avoir à les porter, mais que Jésus qui n’avait aucune raison de porter une croix, a choisi de venir les porter avec nous afin de nous abreuver des fruits merveilleux qui sont advenus de sa propre Croix. Il ne porte pas nos croix à notre place, mais avec nous parce qu’Il veut que nous parvenions avec Lui jusqu’au bonheur éternel. La Croix qui permettait ce bonheur éternel, Lui l’a porté tout seul pour nous.

En matière de croix à porter, on ne peut donner de conseil à personne. Chacun est humainement absolument seul face à sa croix. Mais personne n’est divinement seul. Il nous faut en vérité consentir à être aidé par Jésus à porter ce que personne n’aurait jamais dû avoir à porter et ce que Dieu n’a jamais voulu que nous portions. Mais notre désobéissance originelle en a décidé différemment. Dieu, Lui n’a pas changé d’avis : Il veut depuis le premier jour nous avoir auprès de Lui et Il ne recule devant rien pour que cela advienne, jusqu’à nous rejoindre par nos propres croix. Laissons-Le venir à nous et porter avec nous les fardeaux de nos vies, afin que par Lui, le monde soit sauvé !


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