Homélie pour le dimanche des Rameaux, 5 avril 2020

Cette année la foule des fidèles venus accueillir le Messie n’est pas au rendez-vous. Cela n’a pas dû arriver depuis bien longtemps, au moins dans nos pays occidentaux. Pourtant ce n’est sans doute pas l’envie qui leur en manque. Si c’est le signe d’un mal qui a conduit au confinement que nous savons, c’est aussi l’expression d’un bien. Et ce bien est celui de l’obéissance. Les fidèles catholiques ont accepté de se laisser enseigner par l’autorité, à l’image du serviteur du livre du prophète Isaïe que nous venons d’entendre. Le fruit de cette docilité s’ouvre sur la capacité de réconforter. Se laisser instruire rend capable d’aller plus loin dans le service du prochain, et même d’aller beaucoup plus loin, comme le montre la vie entière de Jésus ! L’hymne aux Philippiens résume tout cela merveilleusement.

Ce mystère de l’obéissance du Fils, se joue en nous, chez nous, comme le dit l’Écriture : « c’est chez toi que je vais faire la Pâque avec mes disciples ». Jésus vient vivre en nous sa Pâque ! Allons nous le laisser seul ? Pouvons nous le laisser seul ? Avant de répondre, il faut prendre quelques précautions. Jésus affirme que quelqu’un qui a plongé sa main dans le plat le trahira. Et si l’on y réfléchit bien, on s’aperçoit que tous ont ont plongé la main dans le plat ! Du reste, à l’heure de son arrestation il est bien écrit que : tous prirent la fuite, tous les trahissent donc ! Serions-nous plus forts que les apôtres ? Le commun des mortels (que nous sommes tous) a peut-être besoin de faire l’expérience de la trahison pour comprendre jusqu’où notre salut se joue. Sans doute, chacun trahit comme il peut, si je puis dire. Ce qui compte en définitive s’est d’être compté au nombre des pécheurs, ceux que le Christ est venu sauver. Choisissons donc de nous mettre du côté des apôtres. Ce n’est pas une si mauvaise place après tout. Et de savoir qu’ils ont tous trahi peut peut-être nous rassurer un peu.

De cette place qui est donc la nôtre, nous pouvons alors contempler le seul homme qui se soit véritablement laissé instruire : Jésus. Nous pouvons le regarder se laisser instruire par Dieu son Père ! Et dans cet acte de contemplation, nous découvrons avec un certain effroi que l’autorité de Jésus a une limite humaine. Jésus n’a d’autorité que dans le cadre de sa mission. En dehors de cette mission il ne peut rien faire, comme le montrent bien des passages de l’Écriture. C’est justement dans la soumission qu’il nous sauve. C’est en abandonnant toute autorité humaine, qu’il reçoit du Père la grâce de nous sauver tous. Oui tous : hommes du passé, du présent, de l’avenir, et même d’autres galaxies si cela était nécessaire. Jésus se livre totalement, sans aucune restriction. N’allons pas croire que ç’ait été plus facile pour lui. Car il a connu un moment d’hésitation, comme l’évoque l’évangéliste. Alors que tout était prêt, alors que tout avait été préparé depuis la faute originelle ; alors que les prophètes étaient venus, Jésus connaît la peur. Lui seul semble un instant vouloir aller à rebours de tout. Il demande que la coupe passe loin de lui, si possible. Alors qu’il sait parfaitement que sa mission passe par cette coupe, un instant il semble vaciller, comme un homme qui a peur devant la mort violente qui s’annonce. Et à cet instant précis, Jésus se laisse encore instruire et réconforter par un ange ! Qu’il a dû connaître une frousse atroce pour qu’un ange ait dû venir le consoler !

N’ayons pas peur de le laisser nous prendre avec lui ces jours saints, même si au dernier moment nous venions à l’abandonner. Son amour ne dépend pas de nous et heureusement. Offrons-lui notre humble amour : c’est peut-être tout ce qu’il attend.

+ fr. Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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