Homélie pour le dimanche 14 novembre 2021

En cette fin d’année liturgique, l’Église nous donne à entendre des paroles de Jésus sur la fin de l’histoire, sur le retour du Fils de l’homme. L’évangile de ce jour est tiré du chapitre 13 de saint Marc.

Ce chapitre commence par une question des disciples alors que Jésus vient d’annoncer la destruction à venir du temple de Jérusalem (v.2) : « Dis-nous quand cela aura lieu et quel sera le signe que tout cela va finir ? » (v.4)

Voici un questionnement qui revient assez souvent au cœur de l’homme ! Comment Jésus va-t-il y répondre ?

Il semble bien qu’il y réponde de manière paradoxale. En premier lieu, il commence par dire : « Prenez garde qu’on ne vous abuse. Il en viendra beaucoup sous mon nom, qui diront :  »C’est moi », et ils abuseront bien des gens. » (v.5-6) Puis il ajoute qu’à l’annonce de guerres, de tremblements de terre, de famines, et aussi de persécutions contre les croyants, il ne faudra pas s’alarmer : « il faut que cela arrive, mais ce ne sera pas encore la fin » (v.7).

Par là, le Seigneur nous invite donc à ne pas nous encombrer de calcul pour deviner « quand [la fin] aura lieu », car cette recherche est vaine et ce serait se laisser abuser ou s’abuser soi-même que d’y mettre son cœur.

Mais, de manière étonnante, le Christ semble continuer sur un autre ton : « Lorsque vous verrez l’abomination de la désolation installée là où elle ne doit pas être » (v.14), alors ne faites pas ceci ou cela car il y aura une grande détresse. Et si l’on vous dit  »le Christ est ici »,  »il est là ! », n’en croyez rien, car de faux prophètes cherchent à abuser.

C’est tout cela qui peut se retrouver derrière le terme de grande détresse dont parle Jésus dans notre péricope évangélique : « En ces jours-là, après cette grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. »

Un élément clairement annoncé ici est que l’avènement du Fils de l’homme sera manifeste pour tous, sans besoin de  »prophètes ». Pour le faire comprendre encore mieux, saint Matthieu utilise l’image suggestive de l’éclair, visible en un instant de partout.

Par contre, Jésus semble brouiller les pistes concernant la recherche d’une intelligence des évènements : un peu plus haut dans notre chapitre 13, Jésus a dit que les bruits de guerre ne seront pas signes de la fin ; dans notre évangile, il nous dit que les signes dans le ciel, le soleil, la lune et les étoiles, indiquent que le Fils de l’homme est proche, à votre porte » (v.29) ; une troisième fois, Jésus dit : « Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père » (v.32).

Par là, le Seigneur veut nous faire comprendre que ce qui importe, ce n’est pas de savoir à l’avance le déroulement de l’histoire, ni d’être à l’affût en permanence des signes précurseurs des  »grands évènements », mais bien plutôt de voir la réalité théologique ou mystique, c’est-à-dire la proximité du Règne de Dieu en Jésus-Christ dans l’histoire et dans notre vie. Par l’Incarnation du Fils et par tout son mystère pascal, le Christ est présent en notre monde, manifesté en partie, caché pour une autre part, en attente de la révélation complète, glorieuse et définitive, en attente – depuis l’Ascension – de l’avènement du Christ.

Le Seigneur nous dit ainsi que le calendrier de la fin du monde n’est pas à notre portée ; plus encore qu’il ne serait pas bon pour nous de le connaître, qu’il nous revient plutôt de vivre dans la confiance à sa Parole, dans la confiance envers l’action en nous de l’Esprit Saint pour nous secourir, dans la confiance à la Providence de notre Père des cieux.

Cette attitude a son versant  »actif » : le verset qui suit immédiatement notre évangile et celui qui le précède répètent : « Soyez sur vos gardes, veillez ! » Le Christ nous laisse dans l’incertitude sur le moment de sa venue, tout en nous donnant la certitude de sa proximité ; proximité tout autant à chaque instant au plus intime de notre cœur, que dans le moment où nous le rencontrerons face à face lors de son retour ou à notre  »entrée dans la Vie » si nous y sommes prêts, lorsqu’après avoir été longtemps  »à notre porte », Jésus paraîtra.

Cette vision de foi permet une attente confiante des croyants, attente de la délivrance (Daniel 12,2) du temps de détresse (Daniel 12,1) dans lequel ils se trouvent actuellement, alors que ceux qui ne croient pas sont dans l’angoisse.

Notre vigilance dans la foi, dans la fidélité à Jésus au milieu de ce monde, se traduit également par la prière du chrétien. A chaque messe, après le Notre Père, le prêtre prie à haute voix et dit : « Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps ; soutenus par ta miséricorde, nous serons libérés de tout péché, à l’abri de toute épreuves, nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur. »

Jésus va se faire une nouvelle fois dans quelques instants extrêmement proche de nous en venant sur l’autel et jusqu’en notre corps et notre cœur/âme. Il le fait avec grande humilité et douceur dans son Eucharistie, mais c’est bien lui, l’habitant du ciel, de la nuée inaccessible, lui que servent les anges. Que par sa venue en nous, il nous rassemble « des quatre coins du monde » afin que nous, les croyants, nous soyons unis pour témoigner devant les hommes de la proximité du Royaume de Dieu. Amen.

frère Gabriel Piot +

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