Homélie pour la solennité de l'Ascension 2020

« Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père »,

déclare Jésus à Marie-Madeleine qui vient enfin de le reconnaître. Nous sommes au matin de la résurrection, telle que l’apôtre Jean nous la livre. À la différence de Matthieu dont nous venons d’entendre la finale de l’évangile, l’Ascension du Seigneur semble former chez Jean un tout avec la Résurrection. À peine le Seigneur est-il visible dans la Résurrection, aussitôt il annonce qu’il va devenir de nouveau invisible dans son Ascension.

Cette année, les fidèles de l’église catholique ont été contraints, d’une certaine manière, à fêter l’Ascension du Seigneur avant même sa Résurrection : ils n’ont pu toucher le Seigneur ressuscité dans son Corps consacré à la messe. La cinquantaine pascale n’a pu être vécue dans cette joie de la résurrection qui irradie la liturgie alléluiatique de ce temps.

En ce sens, l’évangile que proclame Matthieu est mieux proportionné à l’expérience de privation qui a été faite. Invités à se réunir chez eux, là où le Seigneur leur a donné rendez-vous, les fidèles se sont prosternés dans une foi devenue un peu plus responsable d’elle même.

L’Ascension du Seigneur peut en effet être perçue comme une sorte de purification de notre foi. Marie-Madeleine elle même, a dû se résoudre à ne pas embrasser son Seigneur. De même le temps qui nous a été donné et qui occupera désormais une place singulière dans l’histoire du salut de l’humanité, a été vécu par nécessité comme un temps de distanciation. Peut-on y avoir un certain parallèle avec les premiers temps de l’Église naissante ? Pourquoi pas !

En ce temps de privation, il a fallu au clergé puiser dans des trouvailles d’ingéniosité pour amener les fidèles à vivre de la Parole de Dieu plus que de son Corps. L’évangélisation n’a pas été stoppée par la pandémie ! L’Esprit Saint a simplement suscité de nouvelles pistes pour rejoindre ses fidèles là où ils étaient. Il ne fait pas de doute que Dieu a permis cette épreuve de distanciation comme une préparation. Mais une préparation à quoi ? Peut-être à vivre d’une foi plus responsable, plus choisie, plus vraie.


Il est aussi frappant de constater le parallèle qui existe entre cette période de privation qui n’est pas encore achevée du reste, et celle que tout fidèle vit dans les étapes de sa vie spirituelle, lorsque le mélodieux chant de l’amour divin ne résonne plus de la même manière à l’oreille de son cœur. Une invitation à quelque chose de nouveau se fait alors jour, et la caractéristique annonciatrice de la nouveauté est toujours la même : le silence, l’absence. Avant de donner, Dieu retire quelque chose ; une certaine présence, peut-être. Cette absence manifeste encore plus certainement la présence disparue. Et par un phénomène d’inversement, la privation révèle que Dieu était bien là. « Moi, stupide, comme une bête, je ne savais pas, mais j’étais avec toi »1, dit le psalmiste.


Oui, aujourd’hui, dans son humanité le Seigneur remonte vers le Père, tout en nous assurant qu’il demeure avec nous jusqu’à la fin du monde ! Il nous montre ainsi dans quelle direction notre regard doit s’orienter pour trouver le vrai chemin de la liberté, le vrai chemin du bonheur, le vrai chemin qu’est Jésus lui-même. Sur terre, ce chemin ne peut se vivre en dehors de la foi. Cette foi se nourrit habituellement du Corps du Christ, mais aussi d’une confiance bien réelle en la toute-puissance de Dieu qui a vaincu la mort.


Si Dieu a voulu nous préparer ainsi à son Ascension, que sera la Pentecôte qu’il nous réserve ? Attendons, dans cette foi purifiée par la privation, la venue de l’Esprit-Saint avec Marie, silencieuse et adorante. Amen. Alléluia !

1 Ps. 72, 22.

frère Laurent de Trogoff +, prieur administrateur

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