Homélie pour le mercredi des Cendres 2020

Du plus profond de nos cœurs, chacun de nous aspire à la paix. C’est pour ainsi dire une attirance innée. Même si la colère peut parfois nous habiter, en définitive nous portons tous en nous un désir irrépressible de paix. Paix pour soi, paix pour nos familles, paix pour le monde que nous habitons, paix pour ceux qui nous succéderont. Figurez-vous que cette paix trouve singulièrement à s’épanouir au temps du carême. Mais l’homme n’est pas le seul à porter cette aspiration ! La nature aussi y aspire, d’une certaine manière. Et c’est pourquoi la nature peut nous parler, à sa manière, du carême.

On peut en effet comparer le carême à une saison : l’hiver. L’hiver est un temps de retrait où la nature semble rentrer en elle-même. Elle abandonne à ce qu’elle avait mis du temps à pousser et à faire grandir, parfois malgré vents et marées (surtout par chez nous). Oui, la nature semble se retirer comme pour prendre un repos, un repos bien mérité après tous ses efforts longs de plusieurs mois pour donner son fruit. D’une certaine manière la nature cherche à se recentrer, à réunir ses petites forces pour les refaire. Mystérieusement, elle sait saisir le moment favorable. Il faut dire que la nature connaît bien mieux que nous la météo. Elle a ça dans le sang, si l’on peut dire. La nature sait ! Elle sait mieux que nous bien souvent, et elle a cette sagesse de savoir le moment opportun pour se ressourcer. Seulement l’homme égoïste et pécheur rode, cherchant comment dévorer cette nature qui s’offre à lui sans méfiance et sans a priori. Au lieu de se laisser enseigner par la mère nature, l’homme croit devoir apprendre à la nature comment mieux correspondre à ce qu’il attend d’elle. Comme si la nature ne savait pas mieux comment s’y prendre. Avouez que c’est tout de même curieux ! Comment ces hommes peuvent-ils prétendre donner des leçons à une nature qui les précède depuis des siècles et des siècles ? Car la nature est chrétienne ! Oui, frères et sœurs, tout à été créé dans le Christ, depuis le commencement du monde. La nature n’y peut donc échapper. Créée dans le Christ, la nature peut être dite « chrétienne ». Et la manière dont elle vit son retrait hivernal, son carême en quelque sorte, nous invite à rechercher nous aussi une paix quadragésimale.

Aucun feu d’artifice n’a éclaté cette nuit pour nous annoncer l’ouverture de ce temps liturgique béni. Pas d’avantage, aucun panneau géant ne nous souhaitera un « joyeux carême ». Le chant des oiseaux lui-même n’a semble-t-il pas changé. La Parole du Seigneur demeure la même elle aussi. Mais en ce jour elle nous invite à chercher comment réparer nos âmes défigurées par tant de désordres dans nos vies quotidiennes. De même que l’homme rode sur la nature pour la piller, le diable rode au milieu des hommes pour les réduire en esclavage et parfois même bien pire encore : pour les détruire. Ce temps du carême est donc un temps de libération et aussi un temps vers la libération. Si nous y sommes fidèles, apparaîtra à ceux qui nous entourent ce qu’est un vrai homme libéré et une véritable femme libérée. Du plus petit jusqu’au plus grand consentons à laisser rayonner le Christ dans nos vies en lui rendant sa créature perdue. Le Seigneur ne manquera pas de s’émouvoir de notre docilité et de notre audace, comme nous l’entendions à la fin de la première lecture. Ne nous y trompons pas : il ne s’agit pas de chercher à devenir des justes, mais bien à nous laisser séparer de ce qui entrave notre mission. Car nous sommes tous missionnaires ! À l’image de la nature qui s’enfouit à l’hiver, restons bien cachés, lorsqu’avec la grâce de Dieu nous entreprenons de nous détacher de nos vices ; supplions Dieu dans la prière et le silence. C’est ainsi qu’il nous sera donné d’entraîner ceux qui nous entourent, à l’odeur des parfums du Christ que répandront nos âmes assainies et habitées par ce doux Maître. Tel pourra être notre printemps si nous respectons ce temps de réparation et de préparation vers Pâques ! Soyons donc attentif à la nature « chrétienne » qui nous entoure et nous parle sans cesse du Christ si nous savons la regarder et l’écouter. Retrouvons le chemin de l’Écriture qui nous parle de cet étonnant Créateur et de ce merveilleux Rédempteur qu’est Dieu qui désire nous ramener à Lui. Ce Dieu qui a voulu se faire chair pour nous montrer à quel point nous lui sommes chers !

Oui vraiment, laissons-nous réconcilier avec Dieu et par Dieu avec docilité et action de grâce. C’est pour avoir longtemps résisté à Dieu que beaucoup finissent par perdre l’espérance, et ne trouvent plus le goût de vivre une vie qui n’a tout simplement plus de sens. Nous qui par la foi savons combien Dieu est bon, nous qui savons par la foi où nous allons, portons par notre fidélité à Dieu et par notre amour du prochain, le témoignage d’hommes et de femmes qui sont heureux de revenir à Dieu de tout leur cœur et de toute leur âme !

Saint carême à tous !

Amen

+ Fr. Laurent de Trogoff,
Prieur administrateur

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