Homélie pour le 7e dimanche du temps ordinaire 2022

1 S 26,2…23 ; Ps 102 ; 1 Co 15,45-49 ; Lc 6,27-38.

Jésus donne ici l’essentiel de son message évangélique : Aimer. Aimer gratuitement et donc donner toujours, pardonner, telle est la loi fondamentale des enfants de Dieu et le chemin qui mène non au jugement mais au salut.

La composition littéraire de ce passage est parfaite : trois conseils à quoi correspondent trois oppositions sous forme interrogative, qui encadrent la règle d’or : « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux ». Cette règle se trouve dans les écrits antérieurs à l’évangile, mais seulement sous forme négative. Ici Jésus prescrit la charité, et indique la récompense : « la mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante. Car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous ».


1°/ Aimer comme Jésus lui-même nous a aimés : aimer ses ennemis, faire du bien à ceux qui nous haïssent, donner à ceux qui demandent. « Tout cela le Seigneur l’a dit et l’a fait, lui qui, outragé, n’a pas rendu l’outrage » (saint Ambroise). Saint Luc dans son évangile montre spécialement cette bonté du Sauveur qui apparaît lors de sa Passion ; il est attentif à chaque personne : Pierre qui le renie et qu’il regarde avec affection, les femmes qui pleurent, le bon larron, etc. Dans la 1re lecture, David est une figure du Christ quand il refuse de se venger du roi Saül qui cherche à l’éliminer. Il ne veut pas porter la main sur “celui qui a reçu l’onction du Seigneur”. Ainsi, en refusant la vengeance, le cycle de la violence se trouve brisé. Cette noblesse de David est admirable, car il ne connaissait pas la loi d’amour du Christ.

« Ne te laisse pas vaincre par le mal. Sois vainqueur du mal par le bien », dit saint Paul (Rm 12, 21). C’est l’histoire d’un prêtre déporté des Pontons de Rochefort qui retrouva sur l’île de Ré, après sa libération, un de ces geôliers qui les avaient maltraités. Cet homme malade, à l’approche de la mort vivait dans une grande pauvreté. Le prêtre se rend chez lui, ils se reconnaissent, et le prêtre de lui dire : « Je vais te montrer comment un chrétien se venge». Il pose alors sur la table, une bourse pleine d’argent pour venir en aide à cet homme. « Sois vainqueur du mal par le bien ». C’est ce qu’a fait ce prêtre à cet homme qui avait fait le mal en son temps. Et devant un tel amour gratuit, désintéressé, l’homme demanda le pardon de Dieu en se confessant. L’amour ainsi offert a été source de vie et de libération pour cet homme qui l’a accueilli et reçu. Le bien a vaincu la haine, l’amour a vaincu le mal.

L’imitation de Jésus-Christ semble aller de soi pour un chrétien. C’est la loi fondamentale, énoncée déjà par le Seigneur lui-même : « Voici mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12). Il le montre concrètement en lavant les pieds de ses amis. Pierre, dans la même ligne écrit : « Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un exemple afin que vous suiviez ses traces » (1 P 2, 21). Et Paul : « Cherchez à imiter Dieu comme des enfants bien-aimés, et suivez la voie de l’amour à l’exemple du Christ qui vous a aimés et s’est livré pour vous » (Ep 5, 1). Il ose écrire, ajoutant un maillon à la chaîne : « Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ » (I Co 11, 1).


2°/ Aimer comme le Père. Car Jésus supprime tout intermédiaire ici : il nous prescrit d’imiter le Père. Car si lui-même nous a aimés, c’est que le Père l’aime (Jn 15, 9). « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ». C’est la seule fois dans le Nouveau Testament où nous soyons ainsi laissés face à face avec le Père comme objet d’imitation. Ce n’est pas simplement suggéré, comme lorsqu’il nous dit de devenir des fils du Dieu Très-haut, c’est un devoir à nous intimé. « Nous devrions en être suffoqués. Qu’une phrase comme celle-là passe sur nous si souvent sans même accrocher au passage en dit long sur notre capacité d’éluder les chocs » (Fr. Dominique, Jésus disait p. 161).


Nous devons être comme le Père par la compassion, la sensibilité, la miséricorde en ce qu’elle a du cœur, qu’elle se laisse prendre aux entrailles. Matthieu évite un tel anthropomorphisme en parlant d’être parfait comme le Père, saint comme lui. Quel terme a employé Jésus ? Les deux évangélistes ont pu infléchir les termes du maître. Reste la parole « d’être comme le Père », et cela depuis ce que nous portons de plus viscéral, la sensibilité des ‘entrailles’, jusqu’à ce qu’il y a de plus élaboré, la perfection, terme de l’effort.


« Vous serez les fils du Dieu Très Haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants ». Devenir de vrais fils, des fils qui méritent ce nom, et cela signifie pour nous des fils qui ont avec leur père une relation de confiance et d’amour, des fils qui sont capables de continuer leur père dans la fidélité profonde à tout ce qui compte dans la tradition familiale. Vous serez fils : cela me jette dans une méditation pleine d’émerveillement. Et, s’il est vrai qu’il dépend en partie de nous de devenir de plus en plus fils, n’en faut-il pas conclure qu’il dépend de nous, dans la même mesure, de rendre Dieu de plus en plus Père ? Quelle perspective ! Et l’opération de ce processus admirable est l’imitation de Dieu.


Dans la 2e lecture, saint Paul parle aux Corinthiens du premier et du dernier Adam. Le premier est pétri de terre, charnel et il réagit avec force et violence : “œil pour œil, dent pour dent…” Mais nous sommes aussi frères et sœurs du second Adam, le Christ qui nous donne son Esprit et nous rend capables d’en vivre. Rendons-lui gloire avec le psaume 102 :

« Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits ; car il pardonne toutes tes offenses et te couronne d’amour et de tendresse ». Amen.

frère Jean-Gabriel Gelineau +

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