Homélie pour le 2e dimanche de Pâques, dimanche de la divine miséricorde

Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure.

En ce temps de Pâques, combien de motifs d’action de grâce avons-nous !

Notre Père des cieux nous a fait des dons immenses dans les mystères que nous célébrons. À leur source, sa Miséricorde envers nous ; par la résurrection du Christ, il nous donne de renaître en lui, dans l’espérance du salut et de la vie éternelle.

Nous pouvons aussi rendre grâce pour l’enseignement sur la foi contenu dans le récit de l’apparition de Jésus aux disciples que nous venons d’entendre.

La scène se passe la nuit (ou au moins à l’arrivée de l’obscurité du soir), les disciples sont enfermés et dans la peur… Eh bien, Jésus vient et est là au milieu d’eux comme la lumière, la paix qui délivre de la peur, et aussi comme celui qui les envoie. Voici que les paroles d’Isaïe s’éclairent et vont se réaliser :

Debout ! Resplendis ! car voici ta lumière, et sur toi se lève la gloire du Seigneur, tandis que les ténèbres s’étendent sur la terre et l’obscurité sur les peuples, sur toi se lève le Seigneur, et sa gloire sur toi paraît. Les nations marcheront à ta lumière et les rois à ta clarté naissante. (Is 60, 1-3)

Jésus entrant chez les disciples est vraiment cette lumière qui réjouit, qui épanouit, qui attire.

Ce n’est pas tout ; immédiatement, Jésus dit aux siens : « La paix soit avec vous ! » Cela pourrait être une banale formule de salutation, mais c’est beaucoup plus : cette paix, shalom pour un Juif, n’est pas la simple absence de souci, mais contient un souhait de plénitude, plénitude du bonheur, et plénitude de la présence de Dieu. Ici également, la paix est Jésus lui-même : « Que dit Dieu ? Ce que dit le Seigneur, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles » (Ps 84, 9) ; « Un enfant nous est né […] et on lui a donné ce nom : Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père éternel, Prince de la paix, pour que s’étende le pouvoir dans une paix sans fin » (Is 9, 5-6) ; « Car Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui, […] en faisant la paix par le sang de sa croix » (Col 1, 19-20) ; « Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine, cette Loi des préceptes avec ses ordonnances, pour créer en sa personne les deux en un seul Homme Nouveau, faire la paix, et les réconcilier avec Dieu, tous deux en un seul Corps, par la Croix » (Eph 2, 14-16).

Nous voyons dans ces paroles de l’Apôtre, que la paix de Jésus est liée à sa Croix. Aussitôt après avoir dit « La paix soit avec vous », Jésus montre ses mains et son côté aux disciples. Par là, il manifeste qu’il est le même, lui qui est mort et ressuscité. Le corps qui vient les rejoindre pour leur donner paix, élan missionnaire, vie et foi, est le corps qui a été supplicié sur la Croix ; ses mains sont transpercées par amour pour nous ; « je t’ai gravé sur les paumes de mes mains », comme dit Isaïe (Is 49, 16).

Les plaies de Jésus, comme l’ont développé les Pères, sont la source des sacrements et le lieu de la naissance de l’Église. Le baptême, la réconciliation et l’eucharistie jaillissent du côté transpercé de Jésus, comme d’une source.

Enfin, quel motif d’action de grâce dans la ‘visite à Thomas’, l’un des Douze qui n’était pas avec les autres au jour de la résurrection ! Pour un seul disciple, Jésus revient la semaine suivante : il montre pour chacun de nous sa sollicitude, comme pour souligner le prix que nous avons à ses yeux ; il prend soin de chacun, de manière unique.

Jésus offre à Thomas l’occasion de toucher et même de sonder ses plaies. De ce trésor de grâce, il tire sa profession de foi qui est unique dans les Évangiles : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » En utilisant le mot Dieu, saint Thomas se sert de la manière même dont l’Ancien Testament appelle Dieu, par exemple dans la prière des Psaumes : « Et moi, je m’assure en toi, Seigneur, je dis : C’est toi mon Dieu ! » (Ps 30, 15)

Enfin, à propos de l’opposition entre ‘croire sans voir’ et ‘croire après avoir vu’, il faut faire attention à l’expression populaire curieuse  »je suis comme saint Thomas : il faut que je voie pour croire… » ; cela ne doit pas nous donner une mauvaise compréhension de ‘croire’. Certes, saint Thomas n’a pas cru sur le témoignage rapporté par les autres Apôtres. Mais lorsqu’il a finalement vu et même palpé Jésus ressuscité, il voit un homme (certes ressuscité!) et il confesse à la fois son Seigneur – qu’il voit – et son Dieu – qu’il ne voit pas directement. Croire ce que l’on voit, ce n’est plus croire ; on ne croit pas à une évidence sensible ; en effet, comme le dit l’Écriture, « nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision » (2 Cor 5, 7). Mais saint Thomas a vu un homme, et a confessé son Dieu. Comme le dit Thomas de Villeneuve : « O merveilleuse pénétration de ce homme ! Il touche un homme, et l’appelle Dieu. Autre chose ce qu’il toucha, et autre chose ce qu’il crut » (lecture des Vigiles année B). Par son exclamation « Mon Seigneur et mon Dieu », il confesse en faveur de toute l’Église les deux natures dans le Christ.

En cette Eucharistie, renouvelons le cri de notre foi en Jésus, notre Seigneur et notre Dieu. Qu’à l’approche de la communion, devant l’hostie consacrée, nous disions du plus profond de notre cœur avec saint Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». C’est notre joie : « Aussi vous exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ; elles vérifieront la valeur de votre foi qui a bien plus de prix que l’or […], afin que votre foi reçoive louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ. Lui, vous l’aimez sans l’avoir vu ; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi, vous exultez d’une joie inexprimable et remplie de gloire, car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l’aboutissement de votre foi. »

fr. Gabriel Piot +

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