Homélie pour le 21edimanche ordinaire
Version audio :
Assure toi-même la paix de notre vie,
arrache-nous à la damnation éternelle
et veuille nous admettre au nombre de tes élus1.
Cette supplique tirée du Canon Romain – c’est à dire de la première prière eucharistique, juste avant la consécration –, résume assez justement me semble-t-il la prière d’ouverture ainsi que les lectures et l’évangile de ce dimanche. Je vous propose de commenter ces trois propositions à la lumière des textes que l’Église offre à notre méditation aujourd’hui.
La première demande – « assure toi-même la paix de notre vie » – rappelle le ton et le contenu de la prière d’ouverture : donne à ton peuple d’aimer ce que tu commandes et de désirer ce que tu promets. Cette prière oriente notre regard vers le haut, c’est à dire vers les promesses que Dieu s’est engagé à accomplir pour nous. Cependant l’accomplissement de celles-ci suppose de notre part un certain amour : l’amour de ce que Dieu commande. Augustin dira que la paix est la tranquillité de l’ordre. Et l’ordre consiste tout simplement à accomplir ce qui est ordonné à notre fin, qui est la béatitude, la vision de paix, la vision de Dieu. La paix que nous demandons à Dieu est particulière.
Elle est reprise au cours de chaque messe, après le Notre Père :
Seigneur Jésus, tu as dit à tes apôtres :
Je vous laisse la paix
Je vous donne ma paix
La traduction française ne rend pas la formulation latine. Ce ne serait pas très grave si la dite formulation n’était pas tirée directement de l’Écriture, de la bouche-même de Jésus. La version latine dit en effet :
Pacem reliquo vobis
Pacem meam do vobis
Le verbe latin « relinquere » dont en tirée la forme « relinquo » ne signifie pas en français « laisser », mais « abandonner » ! Il a donné en français « déréliction ». Ainsi nous découvrons que Jésus nous abandonne la paix ! La paix qu’il nous abandonne est celle du monde. C’est un peu comme s’il nous disait : « votre pseudo paix ne m’intéresse pas, elle n’est pas authentique : débrouillez-vous avec elle. La vraie paix est celle que je vous donne ! ». Voulons-nous recevoir cette paix ? Nous avons donc une très grande responsabilité dans le processus de paix. La paix dans le monde dépend de la manière dont nous recevons la paix de Jésus. Autrement dit la paix dans le monde dépend de la paix de notre cœur ! Et cette paix-là, nous aurons à en rendre compte car elle dépend de notre consentement personnel, de notre engagement personnel.
Que se passe-t-il lorsque l’on se trompe d’engagement ? On va dans le décor, évidement, et on entraîne les autres avec soi assez souvent. « Aller dans le décor », est précisément le sens du verbe « pécher » tel qu’on le trouve dans la Bible. Étymologiquement le verbe « pécher » signifie « manquer la cible », « viser à côté ». Contrairement à ce que l’on croit, le péché ne désigne donc pas un manquement à une prescription. En fait la prescription est faite pour nous orienter dans la bonne direction. La prescription est comme ces panneaux routiers indicateurs qui nous permettent de prendre la bonne route afin d’atteindre le but que nous nous sommes fixé. Prescription et destination sont donc tout de même très liées car si l’on ne suit pas le panneau indicateur on risque fort de ne pas aboutir où l’on devait. Mais elles ne doivent pas être confondues. C’est justement ce que Jésus indique dans l’évangile lorsqu’il dénonce ces gens qui pensaient que manger et boire en sa présence et aussi écouter ses enseignements, suffisait. Non ! Cela ne suffit pas. Et il est important de le relever au moment où nous venons d’entendre sa parole et allons manger et boire le Corps et le Sang du Christ. En vérité Jésus nous demande une participation. Le salut n’est pas automatique, même s’il est gratuit. La vie n’est pas un long fleuve tranquille. La damnation est possible.
C’est la deuxième supplication placée en exergue de mon propos. La semaine dernière l’évêque qui présidait a profité du thème du feu pour parler de l’enfer. Tel est bien le sujet. Savez-vous que l’enfer est nécessaire à la garantie de notre liberté ? Notre liberté doit nous permettre d’atteindre le but que Dieu nous a fixé qui est de vivre en sa présence éternellement. Il doit donc nécessairement exister un état, un espace où la créature ayant fait un usage abusif et mauvais de sa liberté, puisse vivre éternellement séparé de la présence de Dieu. Cet espace est l’enfer. L’enfer est un état dans lequel on souffre éternellement d’être aimé de Dieu. En effet Dieu aime tout ce qu’il crée et Dieu ne change jamais d’avis. Le damné refuse éternellement l’amour dont Dieu l’aime. Sa souffrance consiste à être aimé contre son gré. Pour le faire comprendre l’image suivante peut nous aider : chacun de nous a besoin d’oxygène pour vivre. Si vous contractez une allergie à l’oxygène, vous souffrez à chaque respiration tout n’en ayant pas moyen de ne pas respirer. C’est cela l’enfer ! Jésus est venu nous arracher à cette damnation, mais elle reste possible ici bas, si nous le voulons ! Le diable et les mauvais anges l’ont voulu. Ils ne supportaient pas de recevoir de Dieu la béatitude ; ils voulaient la prendre par eux-mêmes. Le péché originel est l’exact reflet de cet acte d’orgueil.
Ainsi monte vers Dieu cette dernière supplication : « veuille nous admettre au nombre de tes élus ». Comme vous le devinez cette élection demande notre participation. Elle est donnée, elle est offerte au pied de la Croix au prix de la Passion, par la Résurrection au matin de Pâques, et à l’Ascension de Jésus. Mais elle demande notre consentement et notre engagement, elle aussi. C’est ce qu’explique la deuxième lecture en particulier : il faut régulièrement corriger notre trajectoire. Cette participation ne consiste pas en des actions à comptabiliser, ou bien à des médailles à accrocher sur sa poitrine. Non ! Il s’agit de toujours tout recevoir, comme les enfants savent le faire : la paix, le salut, la grâce. « Il faut consentir à rester pauvre et sans force et voilà le difficile », écrit Thérèse de l’Enfant Jésus à sa sœur Pauline2. Elle savait de quoi elle parlait. Ils en font l’expérience ceux dont le corps ne répond plus aux ordres qu’on lui donne… Ils sont forcés de tout recevoir ! Les bienheureux !
Soyons donc les derniers à prétendre avoir fait le nécessaire. Soyons les premiers à toujours tout recevoir !
1) Cf. Prière eucharistique n°1 ou Canon Romain.
2) l’Enfant-Jésus de la Sainte Face, Thérèse,Oeuvres complètes : Textes et dernières paroles, trad. Jacques de Lonchampt, Paris, Desclée De Brouwer; Cerf, 1998, Lettre 197.
2 commentaires
Frugier Betty · 26/08/2025 à 16 h 29 min
Merci
Fr. Laurent · 27/08/2025 à 7 h 06 min
Avec plaisir Betty