Homélie pour le 28e dimanche ordinaire

Abbaye Notre-Dame des Neiges, 12 octobre 2025

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Au seuil de cet évangile se pose une question : qu’est-ce qu’un lépreux dans la bible, que lui est-il prescrit ? C’est au livre du Lévitique qu’on peut l’apprendre : Le lépreux atteint d’une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : “Impur ! Impur !” Tant qu’il gardera cette tache, il sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp (Lv 13, 45-46). Vêtements déchirés, cheveux en désordre, auto proclamation de son état (Impur ! Impur !), exclusion hors du camp. Ces hommes sont contagieux. On doit pouvoir les reconnaître de loin. Le lépreux est donc un homme porteur d’une quadruple peine : il est malade, sale, exclus, humilié. N’est-ce pas la définition d’un pauvre, un vrai pauvre ? Une seule chose les réunit ensemble : ils sont tous lépreux !

Tels sont les 10 hommes qui cherchent à s’approcher de Jésus afin de se faire entendre. Le texte précise qu’ils s’arrêtèrent à distance. Ils respectent ainsi la Loi. Il est important de remarquer que ces hommes ne demandent pas d’être guéris, mais que Jésus prenne pitié d’eux. C’est la pitié de Jésus que ces hommes réclament ! C’est très exactement ce que peut réclamer un pauvre : la pitié. Chacun de nous peut faire l’expérience de ses pauvretés, autrement-dit de ses lèpres. Ce sont ces défauts dont nous avons plutôt honte et que nous cherchons à cacher aux autres et parfois à nous-même ! Jésus sait tout cela, comme il savait ce que portaient et supportaient ces 10 lépreux. Jésus connaissait leur humiliation, leur saleté, leur exclusion. Dépourvu de presque toute dignité ils en sont venus à demander à Jésus sa pitié, sans savoir au juste ce qu’ils allaient recevoir en retour. De même nous-mêmes, nous ne savons jamais ce que nous recevrons en retour de l’humble offrande à Dieu de ce que nous sommes, là où nous en sommes. Tels sont les pauvres !

Les pauvres, c’est justement le thème centrale de la toute récente exhortation apostolique du pape Léon Dilexi te. Dans ce document si important, il nous rappelle ce que son prédécesseur le pape François nous avait déjà dit : les pauvres sont au cœur de l’Église. Non seulement les pauvres pécheurs, mais aussi les pauvres en esprit, les pauvres humiliés, les pauvres dépourvus de tout, y compris de leur patrie. Si jamais vous en doutez, souvenez vous du diacre Laurent. Alors qu’il lui était demandé de livrer les richesses de l’Église, Laurent présenta une assemblée de pauvres et déclara : « voici les richesse des l’Église ! ». Jésus voit donc dans ces lépreux une richesse de l’Église qu’il va fonder ! Quel mystère ! Quelle enseignement pour nous !

Revenons donc à l’évangile de ce jour. Par la parole de Jésus « allez vous montrer aux prêtres », ces lépreux reçoivent la prophétie de leur guérison ! En effet, le même livre du Lévitique nous apprend que le lépreux doit aller se montrer aux prêtres lorsqu’il est guéri ! C’est la Loi. Pour ces lépreux, recevoir l’invitation d’aller se montrer aux prêtres, c’est donc recevoir l’annonce de leur guérison ! Ils doivent y donner une certaine foi, et ils le font tous puisque le texte nous informe qu’ils allèrent.

Cette guérison va justement intervenir durant leur route vers Jérusalem. Tous vont se rendre compte qu’ils sont guéris. Tous doivent donc aller se montrer aux prêtres pour que les prêtres puissent confirmer la guérison conformément à la Loi du Lévitique, et que les lépreux guéris puissent réintégrer la communauté. Mais le texte nous apprend que l’un d’entre eux revient sur ses pas. Cet homme est un étranger, et probablement même un Samaritain. Les Samaritains sont aux yeux des juifs des hérétiques ! Car pour les Samaritains, il faut adorer Dieu sur le mont Garizim et non pas à Jérusalem. Voici sa cinquième pauvreté, sa cinquième peine : ce Samaritain ne pouvait pas aller à Jérusalem car il en aurait été expulsé ! Voyez-vous comme cela peut enrichir notre compréhension de l’évangile d’aujourd’hui ? Il doit revenir. Il ne peut pas bénéficier de la confirmation sacerdotale de sa guérison. C’est parce qu’il est exclus, c’est parce qu’il est encore plus pauvre que les autres que Jésus va lui déclarer quelque chose d’incroyable ! Pourtant quelque chose ne va pas : si ce Samaritain ne pouvait pas aller à Jérusalem, quel mérite a-t-il de revenir vers Jésus ?

En vérité la question ne se pose pas en terme de mérite. Elle se pose en des termes beaucoup plus importants. Du côté des 9 autres, rien ne permet de reconnaître leur foi. Ils sont seulement guéris. Ils n’ont aucun mérite à l’égard de cette guérison, tout comme le Samaritain. Ils pourront rentrer dans la communauté, leur vie de pauvreté sera sans doute terminée. Et c’est tout. C’est tristement tout ! Le Samaritain, lui qui est encore plus pauvre, va connaître quelque chose de différent.

Tout d’abord cet homme se prosterne devant Jésus. Il a perdu tout respect humain. Il est désormais libre de ces règles sociales qui l’empêchaient de vivre. C’est cela son acte de foi. Ça n’a rien à voir avec l’acte de confiance qu’il avait posé avec les 9 autres en partant pour se montrer, malgré tout, aux prêtres. En se prosternant il manifeste sa foi en Jésus, il témoigne auprès de tous ceux qui en sont témoins de la puissance de Jésus. Les 9 autres ne transmettent rien. Ils sont guéris et c’est tout. Le Samaritain au contraire entend Jésus proclamer sa foi. Et cela va encore plus loin. Car Jésus ajoute : ta foi t’a sauvé. Cet homme, tellement plus pauvre que les 9 autres, n’est pas seulement guéri comme le sont les 9 autres. Il est aussi sauvé, alors que cela n’arrive pas aux 9 autres. Et ce Samaritain n’est pas sauvé parce que Jésus l’a guéri, mais parce qu’il est revenu se prosterner devant Jésus. Voilà ce qui le sauve, voilà ce qui permet à Jésus de lui offrir le salut. Le Samaritain reconnaît en Jésus un Sauveur et en conséquence il est sauvé. Au fond, c’est sa pauvreté plus grande qui lui permet de bénéficier d’une grâce plus grande.

Cela doit nous parler frères et sœurs. Nous pouvons nous aussi n’être que guéris ! En sortant du confessionnal nous pouvons nous réjouir d’avoir été guéris, et nous le sommes en vérité. En communiant au Corps du Christ à la messe nous pouvons nous réjouir de la guérison que Jésus nous apporte car Il le fait en vérité. Mais pour être sauvés tout entier, il nous reste à revenir sur nos pas nous aussi et à reconnaître notre indigence. Cela consiste à venir nous prosterner nous aussi. Venir dire à Jésus MERCI pour son pardon, MERCI pour le don de son Corps, MERCI pour sa grâce. Sans cela nous risquons de passer à côté de la plénitude de la Vie que Dieu veut nous donner et de n’être que des consommateurs des grâces divines sans proclamer la gloire de Dieu qui obtient le salut. Puissions-nous être de ces pauvres qui proclament la gloire de Dieu et reçoivent de Jésus cette parole incroyable : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ».


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