{"id":2181,"date":"2020-02-23T11:25:00","date_gmt":"2020-02-23T10:25:00","guid":{"rendered":"https:\/\/www.kergonan.org\/?p=2181"},"modified":"2020-02-27T12:31:15","modified_gmt":"2020-02-27T11:31:15","slug":"non-violence-et-amour-inconditionnel","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.kergonan.org\/non-violence-et-amour-inconditionnel\/","title":{"rendered":"Non-violence et amour inconditionnel"},"content":{"rendered":"\t\t
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Hom\u00e9lie pour le dimanche 23 f\u00e9vrier, 7e dimanche du temps ordinaire<\/h2>\t\t<\/div>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t
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Dans le sermon sur la montagne, J\u00e9sus a donn\u00e9 la r\u00e8gle de la perfection selon l’\u00c9vangile\u00a0: \u00ab\u00a0Si votre justice ne d\u00e9passe pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux\u00a0\u00bb. J\u00e9sus montre cette sup\u00e9riorit\u00e9 de la justice nouvelle sur l’ancienne par six antith\u00e8ses. Nous venons d’entendre les deux derni\u00e8res\u00a0: l’une est plut\u00f4t n\u00e9gative, c’est la non-violence\u00a0; l’autre positive, aimer tous les hommes m\u00eame ses ennemis, en imitant l’amour du P\u00e8re.<\/p>

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Vous avez appris qu’il a \u00e9t\u00e9 dit : <\/strong>\u0152il pour <\/strong>\u0153il, dent pour dent. Eh bien moi, je vous dis de ne pas riposter au m\u00e9chant <\/strong>.<\/p><\/blockquote>

La loi du talion \u00e9tait une justice qui proportionnait strictement le ch\u00e2timent \u00e0 l’offense ou au dommage subis\u00a0: la sanction ne devait pas exc\u00e9der la faute. C’\u00e9tait un progr\u00e8s pour limiter la sauvagerie de la vengeance. L’accent \u00e9tait mis non sur l’esprit de repr\u00e9sailles, mais sur l’\u00e9quit\u00e9 de la r\u00e9paration\u00a0: pour un tort d’une dent, vous n’aurez pas le droit de r\u00e9clamer plus que la valeur d’une dent. Nous dirions aujourd’hui\u00a0: \u00ab\u00a0poulet rendu pour poulet \u00e9cras\u00e9\u00a0\u00bb, ou \u00ab\u00a0pare-chocs pay\u00e9 pour pare-chocs ab\u00eem\u00e9\u00a0\u00bb. Ce n’\u00e9tait pas si b\u00eate. Mais du coup, le commandement de J\u00e9sus prend une force paradoxale. Quoi\u00a0! des compensations rigoureusement calcul\u00e9es ne sont pas le dernier mot de la justice\u00a0? Quelle est cette autre \u00ab\u00a0justice\u00a0\u00bb qui doit \u00ab\u00a0d\u00e9border\u00a0\u00bb\u00a0? Les bons comptes font peut-\u00eatre les bons amis, parce qu’ils peuvent \u00eatre apur\u00e9s, clos, et l’affaire est class\u00e9e. Selon J\u00e9sus, jamais rien n’est clos ni class\u00e9 entre des fr\u00e8res. Il s’agit plut\u00f4t de refuser d\u00e8s le d\u00e9part jusqu’\u00e0 la notion de comptes.<\/p>

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Moi, je vous dis de ne pas tenir t\u00eate au m\u00e9chant .<\/strong><\/p><\/blockquote>

Cette th\u00e8se re\u00e7oit trois illustrations. J\u00e9sus invite \u00e0 tendre l’autre joue, donc \u00e0 laisser tomber son droit \u00e0 une compensation pr\u00e9vue ; en effet, pour les rabbins donner une gifle sur la joue droite \u2013 donc donn\u00e9e avec le revers de la main droite \u2013 \u00e9tait consid\u00e9r\u00e9 comme doublement injurieux et donnait droit \u00e0 une double indemnisation. Le deuxi\u00e8me exemple est aussi tir\u00e9 du domaine du droit : dans un proc\u00e8s, la tunique, v\u00eatement du dessous, peut \u00eatre prise en gage, mais il faut laisser au pauvre son manteau pour se prot\u00e9ger du froid de la nuit. J\u00e9sus, lui, demande de tout donner, tout ce qu’on a pour se couvrir. M\u00eame surabondance de g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 dans le troisi\u00e8me cas qui envisage un service exig\u00e9 par la contrainte, r\u00e9quisition publique ou travail forc\u00e9. Ces mots hyperboliques de J\u00e9sus ne sont pas \u00e0 prendre au pied de la lettre, mais les cas qu’il vise sont bien r\u00e9els, fr\u00e9quents, in\u00e9luctables. S’il ne nous arrive pas d’\u00eatre gifl\u00e9s, quelqu’un peut nous jeter \u00e0 la figure une remarque acerbe ; on ne nous convoque pas devant le juge, mais on prend, sans autre forme de proc\u00e8s, quelque objet dont nous avions besoin… La consigne est nette. Le renoncement \u00e0 ses droits et les gestes \u00e0 poser de totale bienveillance envers le prochain sont \u00e0 comprendre comme des expressions d’un amour authentique.<\/p>

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J\u00e9sus ne propose pas ces maximes pour gouverner le monde : il ne veut pas r\u00e9former le code civil ou criminel fond\u00e9 sur le talion. Mais en invitant ses disciples, par leur conduite, \u00e0 \u00e9tablir des relations o\u00f9 l’amour est ce qui prime, il d\u00e9truit la spirale de la violence. Gandhi ne disait-il pas : \u00ab \u0152il pour \u0153il… alors, tout le monde deviendrait aveugle ? \u00bb Et le Mahatma affirmait : \u00ab Si ton amour pour ton ennemi ne fond pas sa haine envers toi, ton amour n’est pas assez fort \u00bb. Une attitude de non-violence et de bienveillance peut donner une chance de d\u00e9samorcer l’hostilit\u00e9 de l’agresseur, rompre l’engrenage infernal des luttes raciales, nationales ou sociales. Est-ce na\u00eff et utopique, en notre monde o\u00f9 le plus fort sait rendre les coups, et o\u00f9 l’on parle pudiquement de \u00ab rapport de forces \u00bb ? L’auteur de L’avenir est \u00e0 la tendresse,<\/em> Stan Rougier, cite un cas de r\u00e9volte en Am\u00e9rique du Sud o\u00f9 fut \u00e9vit\u00e9e l’effusion de sang, car les chr\u00e9tiens avaient inscrit sur leur porte\u00a0: \u00ab\u00a0Ici on partage\u00a0\u00bb. La violence \u00e9tait d\u00e9sarm\u00e9e. Dans la lutte contre les injustices nombreuses de ce monde, le conseil de saint Paul demeure\u00a0: \u00ab\u00a0Ne te laisse pas vaincre par le mal\u00a0\u00bb. \u00c0 l’endroit m\u00eame o\u00f9 un chr\u00e9tien commence \u00e0 refuser obstin\u00e9ment la haine, un nouveau monde na\u00eet.<\/p>

Vous avez appris qu’il a \u00e9t\u00e9 dit : Tu aimeras ton prochain et tu ha\u00efras ton ennemi. Eh bien moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous pers\u00e9cutent<\/strong>.<\/p><\/blockquote>

C’est exigeant. Ce qui est purement naturel, c’est d’aimer qui vous aime, saluer qui vous salue. L’amour et le respect mutuels des publicains et des pa\u00efens sont bons mais limit\u00e9s \u00e0 un cercle ferm\u00e9. Les juifs avaient aussi une morale born\u00e9e. Certes, \u00ab tu ha\u00efras ton ennemi \u00bb ne se trouve pas dans la Bible, mais elle exprime l’esprit de certains juifs pour qui elle signifiait : \u00ab tu n’auras pas \u00e0 aimer ceux qui te sont \u00e9trangers \u00bb ; ton prochain \u00e0 aimer c’est ton fr\u00e8re de race et de religion. Cette morale ferm\u00e9e, statique, close sur une r\u00e9ciprocit\u00e9 naturelle, J\u00e9sus l’ouvre et en fait une morale essentiel-lement dynamique et universelle : le v\u00e9ritable amour est sans fronti\u00e8re en \u00e9tendue, sans limite en perfection, parce qu’il a la profondeur m\u00eame de l’amour du P\u00e8re.\u00a0<\/p>

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\u00ab Aimez…afin de devenir, \u00eatre vraiment les fils de votre P\u00e8re c\u00e9leste qui fait lever son soleil sur les m\u00e9chants et les bons, pleuvoir sur les justes et les injustes \u00bb. Les fils doivent ressembler au P\u00e8re, imiter sa bont\u00e9, aimer tous les hommes comme Dieu lui-m\u00eame les aime, c’est \u00e0 dire leur montrer bien-veillance et bien-faisance. Prier pour eux, les b\u00e9nir, leur souhaiter la paix et la pl\u00e9nitude du bonheur, car tel est le sens du salut h\u00e9breu : Shalom<\/em>\u00a0! Aimer se traduit par des actes et n’est pas une affaire d’\u00e9motion ou de sentiments. L’imp\u00e9ratif d’aimer s’adresse \u00e0 la volont\u00e9. Aimer ne se r\u00e9duit donc pas aux passions qui sont plus ou moins incontr\u00f4lables. C’est un choix, une d\u00e9cision. Mais souvent on constate un d\u00e9calage entre ce que nous ressentons et notre d\u00e9cision. Le ressenti-ment (en deux mots). Quel est le plus vrai en moi\u00a0? Pour \u00e9viter la dualit\u00e9, demandons \u00e0 l’Esprit, \u00e0 qui rien n’est impossible, d’unifier notre c\u0153ur. En fait, la caract\u00e9ristique de l’amour que demande J\u00e9sus, c’est d’\u00eatre inconditionnel\u00a0: il peut s’adresser au prochain comme \u00e0 l’ennemi, s’exercer dans des conditions favorables comme dans des contrari\u00e9t\u00e9s. L’Esprit pourra former un amour tel que J\u00e9sus le d\u00e9sire et qu’il a lui-m\u00eame montr\u00e9 pour tous quand il priait pour ceux qui le crucifiaient, nous faisant entrevoir celui qui est dans le c\u0153ur de son P\u00e8re et notre P\u00e8re.<\/p>

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\u00ab Aimez, vous serez fils \u00bb : cela me jette dans une m\u00e9ditation pleine d’\u00e9merveillement. Et, s’il est vrai qu’il d\u00e9pend en partie de nous de devenir de plus en plus fils, n’en faut-il pas conclure qu’il d\u00e9pend de nous, dans la m\u00eame mesure, de rendre Dieu de plus en plus P\u00e8re ? Quelle perspective ! \u00ab Vous serez donc, quant \u00e0 vous, parfaits comme votre P\u00e8re c\u00e9leste est parfait \u00bb. La perfection chr\u00e9tienne est une \u00e9thique du devenir. C’est progressivement que nous imitons la perfection du P\u00e8re et que nous devenons v\u00e9ritablement ses fils dans notre fa\u00e7on d’\u00eatre et d’agir. L’homme est par-fait quand il est par-achev\u00e9, accompli, arriv\u00e9 au terme de sa formation ; devenir un homme fait, un adulte, est le processus biologique naturel ; et c’est aussi le but auquel il doit tendre dans sa vie spirituelle. J\u00e9sus lui-m\u00eame, d’apr\u00e8s la Lettre aux H\u00e9breux, a d\u00fb passer par la croix pour devenir le pr\u00eatre parfait. Et nous cherchons \u00e0 imiter J\u00e9sus-Christ qui nous a aim\u00e9s et s’est livr\u00e9 pour nous. Le disciple devient parfait dans sa relation filiale au P\u00e8re. Mais le qualificatif de parfait ne peut \u00eatre appliqu\u00e9 \u00e0 Dieu au sens d’achev\u00e9 apr\u00e8s une initiation ; ou bien s’il signifie l’absolu sans tache ni manque cet attribut m\u00e9taphysique n’est pas un id\u00e9al pour les hommes. Pour Luc, il s’agit de devenir mis\u00e9ricordieux comme le P\u00e8re compatissant. Le texte de Mathieu s’explique par la r\u00e9miniscence du L\u00e9vitique : \u00ab Vous serez saints parce que je suis saint, moi le Seigneur votre Dieu \u00bb. La tradition juive a franchi le saut entre \u00ab parce que Dieu… \u00bb et \u00ab comme Dieu \u00bb. L’imitation est devenue un des th\u00e8mes de sa spiritualit\u00e9. L’imitation est un des instincts enracin\u00e9 en l’homme. Celui qui poss\u00e8de un art ou un m\u00e9tier, dit \u00e0 celui qu’il veut former : \u00ab Regarde et fais comme moi \u00bb. C’est ainsi que J\u00e9sus dit \u00e0 ses disciples : \u00ab Comme le P\u00e8re m’a aim\u00e9, moi aussi je vous ai aim\u00e9s \u00bb. \u00ab Voici mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aim\u00e9s \u00bb (Jn 15, 9.12). Il ne s’agit pas d’une convention, d’une contagion quelconque, mais d’une imitation bien pratique. Apr\u00e8s le lavement des pieds, il explique : \u00ab Je vous ai donn\u00e9 un exemple pour que, comme j’ai fait pour vous, vous aussi vous fassiez \u00bb (Jn 13, 15). Ces paroles de J\u00e9sus doivent raviver en nous le d\u00e9sir, pas tellement naturel, d’\u00eatre comme le P\u00e8re. Tel P\u00e8re, tel fils. La relation confiante d’enfant \u00e0 P\u00e8re donne la possibilit\u00e9 d’aimer comme Dieu, d’aimer tout homme \u00e0 l’infini, avec le c\u0153ur de Dieu.<\/p>\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t

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fr. Jean-Gabriel +<\/p>\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/section>\n\t\t\t\t

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\n\t\t\tInscription aux homélies des moines (envois irréguliers) : <\/em><\/span><\/a><\/strong>
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